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avait prise : « Je croy qu’on la réitérera bientost et qu’on la baignera ensuitte, puis qu’on luy donnera des eaux de Forges pour la disposer à réparer promptement la perte que nous avons faite[1]. »

La perte ne fut cependant réparée qu’au mois de janvier 1707, par la naissance d’un second duc de Bretagne. À en croire Mme de Maintenon, la succession étant assurée, la duchesse de Bourgogne aurait souhaité s’en tenir là. « Il est certain, Madame, écrivait-elle à la princesse des Ursins, que notre princesse a trop peur de devenir grosse. La vôtre (la reine d’Espagne) est si raisonnable que j’espère qu’elle ne prendra point ces impressions-là, et je les crois très mauvaises selon Dieu ; et elles doivent encore, pour bien d’autres raisons, désirer des enfans. » Et dans une autre lettre : « Mme la duchesse de Bourgogne ne connaît pas assez son véritable intérêt là-dessus. » Elle devait cependant avoir, en 1710, un troisième enfant qui fut Louis XV, mais, bien avant cette date, s’étaient passés dans sa vie de femme des incidens que nous ne pouvons taire. C’est le point obscur et un peu mystérieux de cette existence dont nous n’avons vu jusqu’à présent que le côté extérieur et brillant. Il nous le faut aborder résolument.


VI

« Il se présente ici une anecdote, très sage à taire, très curieuse à écrire à qui a vu les choses d’aussi près que moi. Ce qui me détermine au second parti c’est que le fait en gros n’a pas été ignoré et que les trônes de tous les siècles et de toutes les nations fourmillent d’aventures pareilles. Faut-il donc le dire[2] ? »

Nous serions presque tenté de nous poser la même question que Saint-Simon, tant il semble que, même après deux siècles écoulés, ces questions relatives à l’honneur d’une femme doivent être traitées avec délicatesse. Mais Saint-Simon l’a dit avec tant de détails qu’il est impossible de ne pas le redire après lui, en cherchant à démêler le vrai du faux, et le certain de l’invraisemblable, tâche d’autant plus malaisée que Saint-Simon est ici à peu près l’unique témoin et qu’il le faut suivre, tout en le contrôlant.

Le certain, c’est qu’il y eut dans la vie de la duchesse de Bourgogne, de 1703 à 1706, autant qu’on peut en matière aussi délicate

  1. Geffroy, t. II, p. 156 et 161.
  2. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XII, p. 269.