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immobile où il était, l’Empereur au mont Fontana, trempé jusqu’aux os.

La tourmente calmée (cinq heures et demie), les Piémontais, qui noblement voulaient aussi être victorieux, resserrent, sous La Marmora, leurs colonnes disséminées et reviennent à la charge[1]. Benedek, ayant reçu l’ordre de suivre la retraite générale, rompt cette fois devant eux ; ils le poussent, le pressent, le suivent, bordent San Martino de leurs quatre divisions, menacent son flanc de gauche et même ses derrières. Benedek voit sa retraite compromise s’il ne retient pas cette poussée impétueuse ; il s’arrête, se retourne, se met en personne à la tête de ses colonnes et les conduit en avant, la baïonnette basse, sous une grêle de projectiles. Les Piémontais, à ce choc inattendu, abandonnent les positions conquises. Benedek eut grand’peine à retenir ses troupes victorieuses et à les ramener en arrière. Il se retira tranquillement, malgré un semblant de poursuite de Fanti, emmenant quatre cents prisonniers et n’en laissant aucun ; mais, à cause des difficultés du terrain, il abandonna les cinq pièces qui avaient tiré jusqu’au dernier moment pour couvrir sa marche en échelons. Les Piémontais s’établirent sans obstacle à San Martino[2]. Quoique constamment battus par Benedek, dont cette journée créa la renommée, les Piémontais n’en ont pas moins le droit de se placer parmi les victorieux. S’ils n’eussent point, par leur acharnement qu’aucun échec ne découragea, retenu Benedek devant eux, il se serait joint aux défenseurs de Solferino et de Cavriana, et notre victoire eût été bien plus difficile. Il est puéril d’imaginer deux batailles distinctes, celle de Solferino et celle de San Martino : San Martino n’a été que l’épisode final de la bataille générale.


IV

Napoléon fut le premier qui sut tirer parti d’une victoire autant que l’obtenir. Une poursuite le soir de Solferino eût produit

  1. Della Rocca dans son Autobiographia place à trois heures et demie la dernière offensive des Piémontais en reconnaissant lui-même qu’elle n’eut lieu qu’après l’orage. Or, de l’aveu général, l’orage éclata entre cinq heures et cinq heures et demie.
  2. Compte rendu de l’état-major autrichien, continué par le récit de L’état-major prussien. Le compte rendu de l’état-major français indique aussi que le succès définitif des Piémontais est dû à la nécessité où se trouva Benedek victorieux de suivre la retraite générale ordonnée à quatre heures et en pleine exécution à partir de cinq heures.