L’état-major de l’Empereur était las de la guerre : il souffrait de la chaleur, des mauvais logemens, de l’ennui ; il ne cachait pas son impatience de fuir l’atmosphère enflammée de cette vallée du Mincio, véritable enfer où l’on ne respirait que du feu et des mouches ; son ardeur martiale se réveillait aux jours de combat, mais la perspective des longs sièges le navrait. Quelques-uns, comme Fleury, devenaient philosophes : « Ces boucheries ne sont plus de notre temps ; et pourquoi ? On a bien de la peine à regarder comme ennemis les Autrichiens et encore plus de peine à considérer comme ami le peuple dégénéré que nous venons de délivrer de l’esclavage. Le bonheur de l’Italie, qui ne veut pas être heureuse, l’agrandissement d’un roi, qui a peine à se considérer comme notre obligé, ne valent pas le sanglant sacrifice imposé à l’armée. » Supposant à l’Empereur les mêmes dispositions, il le représentait, dans sa correspondance, comme indécis, fatigué, dégoûté de la guerre et ne cherchant qu’un biais pour traiter. Par sa femme, il pressait Walewski de faire un grand coup, de faire proposer par l’Angleterre, la Prusse et la Russie l’armistice ou un projet de médiation. L’armée avait conquis assez de gloire et de renom ; il fallait s’arrêter. Dans cette campagne pacifique, qu’il poursuivait ouvertement à Paris et par insinuations auprès de l’Empereur, il eut un auxiliaire bien inattendu, le gendre de Victor-Emmanuel. On l’avait vu arriver avec terreur : se rappelant avec quelle ardeur il poussa à la guerre, Fleury redoutait qu’il ne s’opposât non moins violemment à une paix prématurée. Quelle ne fut pas sa surprise de le retrouver pacifique, avec l’impatience impétueuse qu’il apportait à toutes ses opinions ! La chaleur l’excédait, il était mécontent des Toscans, des Hongrois, il entrevoyait les plus sombres complications ; on venait d’obtenir une belle victoire, il n’y avait qu’à rentrer à Paris et à traiter.
L’Empereur était-il aussi las, aussi découragé, aussi indécis que le supposait son aide de camp ? Fatigué, il l’était moins qu’aucun de ses officiers ; on ne l’avait jamais vu aussi dispos. Sans doute, au soir ou au lendemain de ses victoires, il n’avait pu, malgré son habitude de se dominer, cacher une vive impression de douleur. Ainsi, à Magenta, une civière passe devant lui, portant un soldat, les jambes cachées par sa capote grise, une plaie saignante au bras : « Sire,