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des coutumes de la guerre, soit en ce qui touche à l’organisation de l’arbitrage, la conférence de la Haye peut rendre de précieux services à l’humanité.

Et c’est beaucoup ! Pour être ainsi restreint, le champ qui s’ouvre à l’activité de la conférence n’en est pas moins considérable, et quand même l’un des buts que le gouvernement russe a proposés à ses travaux ne serait pas pleinement atteint, qu’importerait si, sur d’autres points, l’effort de la diplomatie était plus heureux ? Il arrive souvent qu’en poursuivant plus spécialement un objet, on en atteigne un autre, qui quelquefois ne vaut pas moins. Le programme de la Haye est trop vaste pour être réalisé complètement en une seule fois, mais, s’il l’est dans quelques-unes de ses parties principales, de ses parties essentielles, la conférence aura bien mérité de l’humanité : l’initiative de l’empereur Nicolas aura laissé dans l’histoire une trace durable, et semé un germe fécond.


Il reste malgré tout vraisemblable que, demain comme hier, le meilleur moyen qu’auront les gouvernemens d’éviter entre eux les conflits armés sera encore de s’entendre directement et d’arriver par la diplomatie à la conciliation de leurs intérêts. C’est) ce que l’Angleterre et la Russie viennent de faire en Chine. La nouvelle en a été donnée d’une manière assez inopinée par lord Salisbury au banquet annuel de la Royal Academy. L’arrangement porte la date du 28 avril : il résout heureusement, non pas toutes les difficultés pendantes entre l’Angleterre et la Russie, mais du moins une d’entre elles, et non pas la moins délicate. On se rappelle tout le bruit qui a été fait au sujet du chemin de fer de Tientsin à Niou-tchang, et l’impression qu’on a éprouvée en Russie lorsqu’on a su que, construit par le gouvernement chinois, il l’était, au moins dans une partie de son parcours, au moyen des fonds avancés par la banque anglaise de Chang-haï-Hong-kong. La convention passée avec cet établissement stipulait que l’ingénieur en chef de la ligne serait Anglais, et que la comptabilité en serait surveillée par un Européen : si on ne disait pas aussi formellement que cet Européen serait Anglais, c’est parce que la chose allait de soi. On a cru d’abord à Saint-Pétersbourg qu’il y avait là une mainmise ou une tentative de mainmise anglaise sur une voie ferrée qui intéressait très directement la Russie, puisqu’elle vient aboutir derrière Port-Arthur. L’irritation y a été vive, et elle s’est traduite a Pékin par une lutte diplomatique entre Anglais et Russes, les seconds s’efforçant de susciter, au détriment des premiers, toutes sortes de difficultés dans les rapports de la banque