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pas offrir de grandes difficultés ; la principale dépense paraît être d’amener les rails sur place, où les matériaux de construction abondent, notamment la pierre et le ballast. On peut admettre une dépense de 90 000 francs le kilomètre pour les 1 300 à 1 350 à parcourir depuis les environs de Tadent jusqu’à la région du Tchad. Récapitulons : les 370 premiers kilomètres à 65 000 francs, prix formant déjà l’objet de projets de convention, les 600 suivans à 75 000, les 400 du plateau du Tassili proprement dit à 100 000, les 1 300 à 1 350 restans à 90 000, ces chiffres donnent une dépense totale, pour les 2 700 à 2 750 kilomètres à construire, de 230 à 231 millions, soit une moyenne de 85 000 francs environ par kilomètre. Encore est-il possible que l’on obtienne une réduction sensible sur ces chiffres. Majorons-les, néanmoins, de 20 millions pour l’imprévu, et l’on arrive à 250 millions.

Ainsi : 230 à 250 millions de francs, c’est à ce chiffre modique que reviendrait le chemin de fer transsaharien. Que l’on n’accuse pas ces évaluations d’être trop basses ; pour le premier tronçon de Biskra-Ouargla, ce ne sont pas des hypothèses, ce sont des certitudes. Nous insisterons toujours sur l’exemple du chemin de fer des phosphates de Gafsa, fait en vue d’un énorme trafic. Les récens chemins de fer tunisiens à voie étroite exécutés par la Compagnie de Bône-Guelma, d’une étendue d’environ 300 kilomètres, n’ont pas coûté plus de 51 000 à 52 000 francs en moyenne de frais de construction. En relevant ce prix de plus de 60 pour 100 pour le chemin de fer transsaharien, on fait, certes, une grande concession, non seulement aux difficultés connues du parcours, mais encore à l’imprévu. Il ne faut pas oublier que la main-d’œuvre ne manquerait pas pour ce travail : sans parler des Kabyles et des Italiens qui ne feraient pas défaut pour la partie septentrionale, on pourrait compter sur un grand afflux de nègres du Fezzan et du Soudan. Ces deux régions renferment des quantités illimitées de bons travailleurs, qui, pour gagner 1 fr. 75 à 2 francs par jour, franchissent d’énormes distances. Ils viennent, depuis une dizaine d’années, en bandes nombreuses en Tunisie ; je les y ai vus souvent dans les voyages annuels que je fais depuis 1885 en ce pays ; ils y rendent des services très appréciés[1]. Il est probable même que dans le Sahara méridional,

  1. Une note officielle constatait, il y a quelques jours, à propos d’une rixe entre ouvriers italiens et nègres soudanais, qu’un grand nombre de ceux-ci sont employés aux travaux du port de Bizerte.