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en voyageurs et marchandises, un trafic minimum de 6 000 à 7 000 francs par kilomètre environ, pour des frais d’exploitation qui ne pourraient dépasser 3 000 francs, soit 50 pour 100 de plus que les frais d’exploitation du nouveau réseau tunisien. Ce trafic minimum de 6 000 francs, on a l’espérance de le voir doubler ou tripler ; il est probable que, même financièrement, le chemin de fer transsaharien sera à la longue une excellente affaire. Néanmoins, comme le gros public n’est pas familier avec des œuvres de ce genre, il serait toujours impossible d’accomplir, sans une garantie d’intérêt de l’Etat, cette grande œuvre qui sera probablement, à la longue, très rémunératrice.

On dira peut-être que des chemins de fer qui partiraient du golfe de Guinée pour se diriger vers le Tchad, ayant une plus courte distance que le Transsaharien, lui déroberaient une partie de son trafic. D’abord, cette concurrence serait quasi nulle en ce qui concerne la poste, les voyageurs, les colis privés, parce que la durée du transport, tant par terre que par mer, serait deux fois plus longue par la voie de l’ouest que par la voie du nord. En outre, ces chemins de fer seront beaucoup plus difficiles à construire et à exploiter dans ces pays marécageux, fiévreux, où l’Européen a grand’peine à vivre. Enfin, le surcroît de transport terrestre sera largement compensé pour un très grand nombre de marchandises même communes, non seulement par la moindre durée et la plus grande régularité du trajet, mais par l’arrivée des denrées en pleine Méditerranée, à quelques heures de Marseille, de Gênes, de Trieste et à portée démarchés de consommation considérables, la France, l’Italie, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne du Sud.

Nous sommes naturellement amené à examiner la question du tracé du Transsaharien. Il s’est produit à ce sujet beaucoup de rivalités ; chaque province algérienne, puis aujourd’hui la Tunisie, prétend avoir chez elle le point de départ de la ligne. Ces compétitions n’ont pas été pour peu de chose dans le retard apporté à l’exécution de l’œuvre. La solution, cependant, est facile à trouver et elle s’impose très nettement. N’oublions pas d’abord que le Transsaharien ne doit pas être une œuvre algérienne, ni une œuvre tunisienne ; c’est, dans toute la force du mot, suivant l’expression anglaise, une œuvre impériale. La voie ferrée à construire doit être, en premier lieu un instrument politique et stratégique, reliant les trois tronçons de notre futur empire africain ; cette voie doit constituer définitivement cet empire, nous permettre notamment