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parler de l’insécurité latente qui trouble plus ou moins l’optimisme du citoyen de ces villes à l’éclosion trop précipitée et lui fait craindre pour elles une disparition non moins brusque dans quelque catastrophe comme celle dont les annales de Chicago gardent le souvenir. Aussi comprend-on l’enthousiasme et les cheers qui accueillent les pompiers de Washington, lors de leur revue annuelle, quand ils défilent derrière la brigade de police, avec leurs chars étranges et tout irradiés de reflets métalliques, sous les yeux du Président des Etats-Unis debout sur son estrade, devant la Maison-Blanche.

La verte parure de ses rues est un autre orgueil de la capitale. Sous le soleil brûlant de l’été, ce vélum universel permet au passant de fermer impunément son ombrelle et de s’en servir pour étudier devant ses pas la résistance probable de l’asphalte amolli ou lézardé par la chaleur ; 75 000 arbres représentent la forêt municipale géométriquement distribuée en doubles rangées d’érables ou de platanes autour des cases de l’échiquier urbain : un crédit de 80 000 francs est consacré à leur entretien, ainsi qu’à celui des parcs environnans.

Nous sortirions des limites de cette étude, forcément incomplète, en poursuivant notre analyse à travers tous les autres services municipaux. Partout nous retrouverions les mêmes méthodes, la même ampleur, et ce chauvinisme local sur lequel est venue se greffer l’ardeur du Congrès lui-même, ce citizenship ambitieux si bien défini par M. Paul Bourget dans ces courtes lignes :

« Shakspeare parle quelque part d’un de ces hommes dont chaque pouce est un homme ; l’Amérique est une patrie dont chaque ville est une patrie, une république dont chaque ville est une république, un immense corps dont chaque ville est un corps. »

Une différence est à noter, toutefois : c’est que le citoyen de Washington n’a, dans son district, qu’un citizenship tout académique. Il ne vote pour rien, ni pour personne, et quoi qu’en dise tel ambitieux sans patron ou tel politicien sans clientèle, il ne désire pas voter. Mais il regarde et il s’informe. Sans doute, une machine municipale d’un tel pouvoir et d’un pareil volume ne laisse pas d’entraîner de grands frais : guère plus cependant qu’une campagne électorale dont il évite les mille ennuis. Il juge à ses résultats l’excellence d’un système que mainte ville de l’Union lui