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au bourgeois libéral, ouvert aux souvenirs du passé plus qu’aux espérances de l’avenir. Ce cadre suranné a été brisé chez nos voisins bien avant de l’être chez nous. Partout on a compris qu’à côté d’une élite cérébrale, indispensable à tout grand peuple et plus encore à toute démocratie, dont elle doit constituer la véritable noblesse, il fallait s’attacher à produire des hommes prêts à appliquer aux besoins de la vie de chaque jour d’un peuple libre les préceptes et les idées qu’ils auront acquis à l’école. »

Nous le voulons bien ; et quoique d’ailleurs dans aucune école, si ce n’est dans les écoles professionnelles, on n’ait jamais rien appris d’aisément « applicable aux besoins de la vie de chaque jour d’un peuple libre ! » Nous sommes de ceux qui croient que la vie ne s’apprend qu’en vivant. Mais le malheur, nous l’avons dit, est qu’à peine avait-on constitué l’enseignement moderne, au lieu de « produire » des hommes utiles, il a prétendu nous en donner « de luxe, » des « prébendaires, » de « jeunes seigneurs. » Expressément fondé et organisé pour détourner du droit ou de la médecine une jeunesse impatiente, et pour la diriger vers le commerce ou l’industrie, il s’est piqué de préparer, aussi lui, comme l’enseignement « classique, » des médecins et des avocats. C’est la question de l’ « équivalence des diplômes, » qui se serait déjà terminée, sans l’heureuse concurrence de l’enseignement libre, par la ruine de l’enseignement classique. La suppression du baccalauréat, ou la substitution des « examens de carrière » au baccalauréat, supprimera le conflit. Car on ne disputera pas aux Ecoles de Médecine ou de Droit la liberté de mettre, à l’entrée de leurs cours, les conditions, ou même les barrières qu’elles croiront bon d’y mettre. Et, quelle que soit la provenance des élèves, ils deviendront avocats ou médecins à leur gré, sans que personne s’inquiète de « ce qu’ils ont appris, » mais uniquement de ce « qu’ils savent. »

« On s’accorde à trouver désirable aujourd’hui, dit encore le Rapport, de laisser un peu plus de souplesse aux programmes d’études et de liberté aux professeurs. On voudrait donner une certaine autonomie aux divers établissemens, leur permettre même de faire de prudens essais pédagogiques dans des limites déterminées, et, grâce à cette initiative, d’acquérir une vitalité nouvelle. » Pourquoi « désirable ? » et « désiré » par qui ? puisque enfin la prospérité du collège Chaptal, par exemple, n’a pas autour de lui multiplié les établissemens du même genre ? et qu’en revanche