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au cours de l’évolution de l’espèce, a insuffisamment réduit et atrophié le cul-de-sac cæcal qui s’étendait, chez les animaux herbivores, assez loin au-dessous du point d’union des deux intestins. L’atrophie a été plus marquée vers l’extrémité : celle-ci a été ainsi réduite à un tube étroit, du diamètre d’une plume d’oie : c’est l’appendice. La partie supérieure, moins modifiée, forme le cæcum.

Chez les divers animaux, ces organes sont très inégalement développés. Il n’y a aucune partie qui soit aussi sujette à varier. Les oiseaux possèdent deux cæcums, l’un à droite, l’autre à gauche. Chez les mammifères, à l’exception d’un petit nombre d’Édentés, tels que le Dasype, il n’y en a ordinairement qu’un seul ; l’organe est impair. Il atteint quelquefois des proportions considérables ; et cette circonstance parait en rapport avec le régime. Chez les herbivores, il constitue ainsi, à l’extrémité du petit intestin, une sorte de panse supplémentaire où le contenu intestinal séjourne et macère de manière à compléter peut-être sa lente digestion. Le cæcum du lapin, à lui seul, possède une plus grande capacité que le gros intestin tout entier : il se termine par un appendice cæcal qui a le volume du petit doigt et qui n’est autre chose qu’une énorme glande de Peyer. Les grands carnassiers, beaucoup d’insectivores, les Chéiroptères n’ont ni cæcum ni appendice. Certains rongeurs, les loirs par exemple, en sont également dépourvus ; chez d’autres au contraire, le cæcum l’emporte par ses dimensions sur l’estomac lui-même. Chez les anthropoïdes, seuls singes où il existe, il est ordinairement plus développé que chez l’homme.

En ce qui concerne l’appendice, les anciens anatomistes avaient déjà remarqué la richesse de son revêtement en glandes muqueuses et en follicules clos. Chez le lapin, il n’est pas autre chose qu’une énorme glande lymphatique. C’est un organe sécréteur et non pas absorbant. En règle générale, le contenu de l’intestin n’y pénètre point ; mais, au contraire, c’est lui qui déverse un liquide muqueux. Ce liquide est plus ou moins actif, grâce aux microbes qui s’y cultivent. On peut penser, avec M. Clado, que cette sécrétion est capable de contribuer à la fermentation digestive des matières végétales accumulées dans le cæcum. S’il en est réellement ainsi, si l’appendice a effectivement un rôle dans la digestion de la cellulose végétale, il n’a plus guère d’office à remplir chez l’homme, omnivore. Il subsiste comme un témoin atavique du régime végétarien de ses ancêtres primitifs. Son rôle est fini. Il ne peut être qu’inutile ou nuisible à l’homme actuel. En le supprimant, le chirurgien corrige judicieusement la nature.