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trouvait ainsi l’héritier présomptif de la couronne, et il n’était pas marié. On le poussait de divers côtés à ne pas se lier par un mariage inférieur de cadet, à réserver l’avenir, qui pouvait lui apporter de grands changemens avec un roi maladif. Monsieur était entré dans cette pensée, et il essaya de se dérober quand Marie de Médicis lui proposa d’épouser Mlle de Montpensier, la plus riche héritière du royaume. Il intrigua, il encouragea la conspiration Chalais, qui devait favoriser sa fuite de la cour, il laissa ses amis et ses serviteurs se compromettre, et puis il les vendit tous sans l’ombre d’une hésitation, le jour où il flaira du danger pour lui-même. Le complot avait été éventé ; Gaston se hâta de tirer son épingle du jeu en racontant tout à Richelieu, au roi et à la reine mère.

Il n’avait pas perdu la tête, comme on l’a dit pour l’excuser. Les procès-verbaux de ses aveux sont conservés aux Affaires étrangères ; on y voit un homme qui sait très bien ce qu’il fait et qui travaille avec beaucoup de sang-froid à se faire payer le plus cher possible ce qu’il ne peut plus refuser. Le 12 juillet 1626, Monsieur dénonça une trentaine de ses amis ou serviteurs, dont le grand nombre n’étaient coupables que de lui avoir témoigné du dévouement. Marie de Médicis lui ayant reproché d’avoir failli à certain engagement écrit « de ne penser jamais à chose quelconque qui tendît à le séparer d’avec le roi, » Monsieur répliqua avec tranquillité « qu’il l’avait signé, mais qu’il ne l’avait promis de bouche. » On lui rappela « que plusieurs fois depuis il avait juré solennellement. » Le jeune prince repartit avec la même sérénité qu’il réservait « toujours quelque chose en jurant. » Le 18, « Monsieur étant en bonne humeur, après avoir fait force protestations à la reine sa mère qui était en son lit, » reprit devant Richelieu le fil de ses dénonciations, sans même attendre qu’on l’en priât. Le 23, il se rendit chez le cardinal et le chargea « d’assurer qu’il se marierait quand on voudrait, pourvu qu’on lui donne son apanage en même temps. Sur quoi il dit que feu M. d’Alençon avait eu trois apanages… » et il tâta le terrain pour lui-même, « s’enquérant soigneusement » des intentions du roi et prévenant le cardinal « qu’il lui enverrait le président Le Coigneux pour lui parler de son mariage et de son apanage. » Les marchandages et les dénonciations alternèrent jusqu’au 2 août. Finalement, Gaston obtint les duchés d’Orléans et de Chartres, le comté de Blois, et des avantages en argent qui portèrent ses