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Bassompierre, arbitre de la mode et fleur des courtisans, qui brûla en une fois plus de six mille lettres de femmes, qui portait des habits de 14 000 écus et pouvait encore les décrire vingt-cinq ans après, avait fait des études très complètes, et sur un plan qu’on ne se figurait peut-être pas aussi ancien. Il avait suivi le collège jusqu’à seize ans et était allé se perfectionner à l’étranger, en Allemagne d’abord, où il avait travaillé la rhétorique, la logique, la physique, le droit, Hippocrate, Aristote et « les cas de conscience ; » en Italie ensuite, où il avait fréquenté les meilleurs manèges, les meilleures salles d’armes, une école de fortifications et plusieurs cours princières. A dix-neuf ans, il était brillant cavalier, bon musicien, il avait de la culture et du monde, et il revenait débuter avec éclat à la cour de France.

Le grand Condé, général en chef à vingt-deux ans, avait fait ses classes au collège de Bourges et ses « exercices » à une « académie » de Paris, traité partout, sur l’ordre de son père, comme le premier écolier venu. Il parlait latin à sept ans, était en rhétorique à onze, avait travaillé la philosophie, le droit, les mathématiques et l’italien, tournait joliment les vers et excellait aux exercices du corps. Louis XIII applaudissait à ces fortes études, à cette éducation démocratique, peut-être par un retour sur lui-même, et « disait à tout le monde qu’il voulait… faire instruire et élever monsieur le Dauphin de la même manière[1]. » A mesure que le siècle avançait, on se convertissait à l’idée qu’un noble pouvait « étudier » sans déroger. Pontis, l’aventureux Pontis qui n’avait jamais moisi nulle part, voulait qu’on prît le temps d’instruire la jeunesse. Il écrivait[2]à quelqu’un qui lui avait demandé conseil pour l’éducation de deux jeunes seigneurs de la cour : « Je commencerai par vous avouer que je ne suis pas du sentiment de ceux qui veulent que leurs enfans n’aient de science qu’autant qu’il en faut, disent-ils, pour un gentilhomme, car puisque la science… apprend à raisonner et à bien parler en public, n’est-elle pas nécessaire à ceux qui par la grandeur de leur naissance, de leurs emplois et de leurs charges, peuvent en avoir besoin en tant de rencontres ? Je sais que plusieurs croient aussi que la fréquentation des femmes vertueuses et habiles ouvre et polit davantage l’esprit d’un jeune cavalier que l’entretien d’un homme de lettres ; mais je ne suis pas non plus de cet avis… »

  1. Mémoires de Lenet.
  2. Peu d’années avant sa mort, survenue en 1670.