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songe que c’est ainsi, avec cette physionomie d’ogre et d’éternel trouble-fête, qu’il apparaissait aux millions de Français incapables de comprendre sa politique, la silhouette qu’en trace Mademoiselle devient dramatique, dans sa profonde niaiserie.

Marie de Médicis avait pu disparaître du Luxembourg et de Paris, à la suite de la Journée des Dupes (11 novembre 1630), sans que sa petite-fille le remarquât : « J’étais encore si jeune alors, que je ne me souviens pas seulement de l’avoir vue. » Il n’en avait pas été de même du départ de Monsieur, qui venait continuellement aux Tuileries. L’enfant s’en était aperçue. Elle avait compris que son père était puni ; et on ne lui avait pas laissé ignorer quel était l’insolent qui mettait en pénitence « même les personnes royales, » au mépris de toutes les lois divines et humaines. Mademoiselle, qui n’avait pas quatre ans, fut outrée contre Richelieu. Elle lui fit de l’opposition à sa manière, et devint chère à dater de ce jour au peuple de Paris, qui a aimé de tout temps à taquiner le gouvernement : « J’eus en cette occasion-là, écrit-elle avec une certaine fierté, une conduite qui ne répondait point à mon âge ; je ne voulais me divertir à quoi que ce fût, et l’on ne pouvait même me faire aller aux assemblées du Louvre. » Sa mauvaise humeur retombait, faute de mieux, sur le roi ; elle le grognait et lui réclamait son « papa. » Il a toujours été au-dessus des forces de Mademoiselle, à tous les âges, de bouder longtemps la cour, hors de laquelle, dans sa profonde conviction, « c’était aux grands être en pleine solitude, malgré le nombre de leurs domestiques et la compagnie de ceux qui les visitent. » Elle se raccommoda bientôt avec les assemblées et les collations du Louvre et ne put s’empêcher d’être « dans la joie de son cœur » quand « leurs Majestés » la faisaient venir à Fontainebleau ; mais elle ne désarma jamais vis-à-vis de Richelieu. Elle savait par cœur toutes les chansons contre lui.

Monsieur ne prenait pourtant pas le chemin de se rendre intéressant, depuis qu’il était sorti de France. Il avait commencé par une débauche de plaisir, à s’en rendre malade, et payée avec de l’argent espagnol. En 1632, il était rentré dans son pays à la tête d’une armée étrangère et avait causé la mort du duc de Montmorency, condamné et exécuté pour rébellion. On avait appris ensuite que Monsieur s’était remarié clandestinement avec une sœur du duc de Lorraine. Il couronna ses exploits en signant un traité avec l’Espagne (12 mai 1634), dont la France devait