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impossible d’enseigner l’histoire de l’art sans montrer les monumens ou, à leur défaut, les images qui les reproduisent, que la géographie sans promener l’œil sur les cartes où sont dessinés les continens avec leur relief, avec les fleuves qui les sillonnent et les mers qui les enveloppent. Une forme ne se définit que par les lignes qui la limitent, par un contour ; or, l’esprit ne perçoit les lignes que par l’intermédiaire du toucher et de la vue, ou plutôt, dans la pratique, par les seules sensations visuelles. Les mots ont la vertu de rappeler une forme à qui la connaît déjà ; ils en évoquent la vision momentanée ; mais, si cette forme n’a pas été perçue antérieurement, ils sont impuissans à la représenter, avec quelque talent qu’ils aient été choisis et groupés.

C’est ce que personne n’a paru soupçonner. On s’est contenté de décider qu’à partir de la rentrée d’octobre les maîtres de la division moderne enseigneraient l’histoire de l’art. Comment le feraient-ils ? A l’aide de quels documens graphiques ? On ne s’est pas posé cette question. Aussi, qu’est-il arrivé ? Dans certains lycées, sur la demande instante du professeur, le ministère a donné une faible subvention qui a servi à acheter quelques douzaines de photographies. Ailleurs un proviseur, en fouillant ses tiroirs, a su y trouver quelques minces reliquats qu’il a pris le parti d’affecter à cet usage. Je sais même un lycée, celui de Reims, où une grande galerie, qui sert de vestibule, a été garnie tout entière de gravures, de photographies et de moulages. C’est un petit musée, où sont représentées toutes les époques de l’art et où figurent notamment quelques-uns des morceaux les plus intéressans de la sculpture du XIIIe siècle ; les exemples ont été empruntés à la cathédrale voisine. Il y a là des matériaux que le professeur peut utiliser ; mais je ne crois pas qu’il y ait rien de pareil dans aucun autre lycée. Il se trouve qu’ici le chef de la maison est un archéologue. Il avait employé les loisirs de sa jeunesse à décrire les édifices antiques et les musées de la Gaule romaine[1]. Condamné désormais à s’abstenir de toute recherche personnelle, il s’est proposé d’éveiller chez les jeunes gens confiés à sa garde le goût de ces études dont il savait le charme et le prix.

Cette aide pécuniaire et ces conditions favorables ne sont échues en partage qu’à bien peu de maîtres. La plupart n’ont

  1. H. Dazin, Vienne et Lyon gallo-romains. Dessios d’A. Barqui. in-8o, 1891, Hachette. Nîmes gallo-romain, Guide du Touriste archéologue. Deasim de Max Raphel, in-8o, 1891, Hachette.