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ces collaborateurs occasionnels, à n’engager que ceux qui, de manière ou d’autre, auraient prouvé qu’ils sont aptes à trans- mettre ce qu’ils savent, à le communiquer par la parole.

Ce que je souhaiterais par-dessus tout, c’est qu’il fût bien entendu que cet enseignement comporterait, avec une extrême variété, une très grande liberté. Il ne serait pas partout confié à la même catégorie de maîtres. Là où, comme dans tel lycée de Paris, le professeur de rhétorique se trouverait être l’auteur de l’un des plus beaux livres que l’on ait jamais écrits sur l’histoire de l’art chrétien, c’est lui qui devrait être désigné pour apprendre aux jeunes gens à épeler la langue de l’art[1]. Ailleurs, on pourrait faire appel à quelque ancien membre des écoles d’Athènes et de Rome, ou à un critique qui aurait de la méthode et de l’agrément. Ailleurs encore, tel artiste instruit (il y en a) se chargerait volontiers d’exposer la théorie et l’histoire de son art. Tous les arts du dessin se tiennent par des liens assez étroits pour qu’il soit facile à celui qui a pratiqué l’un d’entre eux de parler des autres avec quelque compétence.

Je voudrais aussi — c’est beaucoup demander, avec notre passion pour l’uniformité — que l’on ne se crût pas obligé de donner partout, dans tous les lycées et collèges de la République, le même développement à toutes les parties du programme. Il me paraîtrait tout naturel que, dans nos villes du Midi, à Nîmes par exemple, on insistât de préférence sur l’art antique, tandis qu’à Chartres, à Amiens et à Reims, on s’attacherait surtout à expliquer la cathédrale. J’irais même plus loin ; je n’exigerais pas que le cours eût partout la même durée. Certaines heures lui seraient réservées dans les deux plus hautes classes du lycée, en rhétorique et en philosophie ; mais le professeur ne serait pas astreint à faire emploi de toutes ces heures. Il en userait à son gré, suivant ce qu’il aurait à dire d’utile et de neuf. Vingt leçons de tel maître hors ligne vaudront mieux, pour ouvrir l’esprit au sens de l’art, que quarante ou cinquante du pauvre hère qui se bornerait à répéter des phrases empruntées à un livre de seconde main.

Sous peine d’avorter et de n’être jamais qu’un trompe-l’œil, cet enseignement devrait donc naître très souple et très divers, toujours prêt à s’assurer, sans formalisme pédantesque, tous les

  1. Emile Mâle, L’Art religieux du XIIIe siècle en France, Étude sur l’iconographie du moyen âge et sur ses sources d’inspiration, in-8o, 1898, Ernest Leroux.