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opposer les sonnets : côte à côte, en deux sonnets parallèles, la marchande de couronnes mortuaires en fer-blanc et la marchande de couronnes en fleurs naturelles exposent les avantages de leur marchandise ; le vainqueur des courses de voitures célèbre son triomphe, et à côté de lui le vaincu pleure sa défaite. — Puis la manière de Pascarella s’élargit et se précise : il conçoit que les sonnets auront plus d’intérêt s’ils s’enchaînent dans un récit dont chacun d’eux constituera un épisode ou une péripétie : et c’est ainsi qu’en 1882 il publie les cinq sonnets du Mort de la campagne romaine (Er Morto de Campagna). L’histoire est fort simple. Un Romain, membre d’une de ces Confréries de la Mort qui vont recueillir les cadavres abandonnés, raconte la longue course, les tours et les détours qu’il a faits, avec ses confrères, pour trouver le mort qu’on leur avait indiqué. ils s’égarent, on les égare, ils reviennent sur leurs pas, ils s’informent, on les remet dans le bon chemin. « — Combien faut-il de temps ? — Oh ! si vous allez d’un bon pas, il ne vous faudra que deux petites heures... — Et nous voilà à tourner toute la nuit, tant qu’à la fin il a fait jour. » Enfin, trempés de pluie, près d’un fossé ils trouvent le cadavre, et le récit s’achève sur la description précise qui en est faite.

La sérénade (La Serenata) se compose aussi de cinq sonnets. Un jeune homme va donner une sérénade à la jeune fille qu’il aime, et il emmène des amis. C’est l’un de ceux-ci qui raconte. Voici les trois derniers sonnets :


Là, juste où il y a la petite Sainte-Vierge à qui on allume la veilleuse la nuit, moi, Peppe Cianca, Schizzo et Sciabighella, nous nous mîmes sous une porte.

Lui, il envoya un baiser vers une fenêtre, et il commença à chanter : « Fleur d’épine, tu es plus brillante qu’une étoile, tu es plus blanche qu’un jasmin... »

Il n’avait pas fini le refrain, quand nous entendîmes un coup de siflet au fond de la ruelle... Sang de Dieu ! Il va y avoir un malheur !

Nous avançons et nous (nous mettons auprès de lui ; mais Ninetto nous fait : « Il n’y a pas de danger... Ne bougez pas, garçons !... Allons, qu’est-ce que vous faites ? A votre place ! »

Pendant ce temps-là, dans le brouillard, tout seul, tout seul, s’avançait un homme encapuchonné. Nino se plante sous la lumière, et, en riant, lui fait : « Sois le bienvenu. »