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si évidente iniquité dans la répartition actuelle, que la réforme s’impose. Les catholiques intelligens la désirent eux-mêmes, craignant de voir un jour ou l’autre, et sans doute un jour prochain, la roue de la fortune électorale les faire tomber dans le quasi-néant parlementaire où sont aujourd’hui leurs ennemis. Il ne faudrait pas grand-chose pour cela, surtout avec le scrutin de liste. À Bruxelles, par exemple, il peut faire entrer d’mi seul coup 18 socialistes ou radicaux à la Chambre, et à cet exemple il serait facile d’en Joindre d’autres pour faire sentir combien est instable et fragile la situation d’un parti en apparence si puissant.

C’est pourquoi la réforme électorale est depuis quelque temps déjà à l’ordre du jour. On a vu se produire, tout au début de l’année courante, une crise ministérielle, premier incident d’une campagne qui commençait, et qui devait être fertile en surprises : de toutes ces surprises, celle de janvier, si elle n’a pas été la plus grave, a été du moins une des plus singulières. Deux ministres très importans, M. de Smet de Naeyer, ministre des Finances et président du Conseil, et M. Nyssens, ministre de l’Industrie et du Travail, ont donné leur démission. Pourquoi ? Le ciel paraissait serein ; rien n’annonçait l’orage. La brusque décision de MM. de Smet de Naeyer et Nyssens a été pour tout le monde un choc imprévu. Que se passait-il donc ? Il s’agissait d’un dissentiment relatif à la réforme électorale. Le Roi, — on peut le dire sans manquer à aucune convenance, car le fait a été aussitôt de notoriété universelle, — le roi Léopold s’était déclaré partisan du scrutin uninominal, et voulait en faire le principe de la réforme future. Il a fait appeler au Palais MM. Helleputte et de Broqueville, partisans connus du scrutin uninominal, et tout le monde a été convaincu qu’ils en sortiraient avec un portefeuille. Mais il n’en a rien été, et l’étonnement a commencé lorsqu’on a appris que le successeur de M. de Smet de Naeyer aux Finances était M. Liebaert, et celui de M. Nyssens au Travail et à l’Industrie, M. Cooreman. L’un et l’autre sont partisans du scrutin de liste aussi bien que leurs prédécesseurs. Le nouveau président du Conseil, M. Vandenpeereboom, choisi dans l’ancien cabinet dont il faisait déjà partie, est également favorable au scrutin de liste. Alors, que signifiait cette petite révolution de Palais ? En somme, le Roi avait eu une velléité, puis il avait hésité au moment de l’exécution, et reculé devant le pas à franchir. C’est qu’aussitôt une vive opposition contre le scrutin uninominal s’était manifestée dans presque tous les partis. L’Association libérale (radicale), la Ligue libérale (modérée), le Parti