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générale au détriment de quelques libertés, sont-ils vraiment nécessaires ? Cela est douteux. On aurait compris qu’ils fussent votés au lendemain des graves événemens qui se sont produits l’année dernière dans plusieurs villes d’Italie, et surtout à Milan. Aujourd’hui, il est bien tard ; l’ordre est rétabli ; et, si l’on a pu se passer de ces lois de salut public jusqu’au moment présent, on ne voit pas très bien pourquoi on ne pourrait pas s’en passer plus longtemps. L’Italie est redevenue calme. S’il y a encore de l’agitation dans certains esprits, peut-être le gouvernement aurait-il pu l’apaiser par une amnistie sérieuse et sincère, et ce n’est pas une heureuse mesure que celle qui a refusé à cinq ou six personnes la restitution de leurs droits politiques. Une politique plus généreuse aurait été aussi plus prudente ; elle aurait empêché les scènes déplorables qui se sont passées à Montecitorio. La prorogation des Chambres ne peut d’ailleurs pas être indéfiniment maintenue ; il faudra bien qu’un jour ou l’autre, ministère et parlement se retrouvent en présence, et le tête-à-tête qu’on leur aura ménagé ne semble pas devoir être plus cordial que celui à propos duquel la séparation a eu lieu. Ceci dit, nous répétons que l’entêtement obstructionniste de l’opposition atténue la responsabilité du ministère. Que ses lois fussent bonnes ou non, il avait le droit de les présenter, de les faire discuter, de les faire voter. La majorité n’était pas douteuse : dans le cas contraire, la minorité ne se serait pas opposée au scrutin. Au surplus, au mois de mars dernier, le général Pelloux avait demandé à la Chambre d’approuver le principe de ces lois, et la Chambre l’avait fait par un vote qui n’a pas perdu sa portée morale. L’obstruction de la minorité est donc incorrecte au premier chef, inconstitutionnelle et révolutionnaire. Mais que dire du moyen employé par le général Pelloux pour s’en débarrasser ? L’usage s’est établi pour le gouvernement, en l’absence des Chambres et en cas de nécessité urgente, de procéder par décrets sur des matières qui, légalement, devraient être soumises au pouvoir parlementaire : aussitôt que le parlement est réuni, ces décrets lui sont présentés afin qu’il les adopte, ou qu’il les rejette. Il va sans dire qu’ils continuent d’être appliqués en attendant. Qu’a fait le général Pelloux ? Il a mis la Chambre en congé pour huit jours, et a fait signer par le Roi un décret décidant que les lois de sûreté publique seraient appliquées à partir du 20 juillet. La Chambre a ensuite repris sa session et le général Pelloux n’a pas manqué de lui soumettre son décret afin qu’elle l’approuvât. Si la Chambre pouvait se prononcer, elle ratifierait certainement le décret ; ce serait pour elle une manière de voter les lois ;