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se complurent dans un système parlementaire à base étroite, étayé sur l’aristocratie de l’argent et qui, en somme, ressemblait fort à celui que Guizot, en France, avait si longtemps personnifié. Et en vérité, à lire les critiques passionnées de Castelar, on croit entendre comme un écho des imprécations qui, à la veille du 24 février, montaient autour du trône du roi Louis-Philippe.

Il y apportait les ressentimens implacables de l’homme de parti et le dogmatisme tranchant des écrivains très jeunes, qui échappent si rarement à la passion sectaire. Au fond, avait-il tort ? Il faut se rappeler à quel degré de corruption était descendu le personnel politique ; les scandales financiers où se compromettaient les plus graves personnages, dénoncés et flétris en pleines Certes ; le scandale démoralisant des « influences » qui régnaient au Palais, et traitaient les affaires comme un jeu de caprice. Imaginez l’impression qu’il dut recevoir de ce spectacle, au sortir du milieu honnête où il avait grandi ! Il voyait le parti modéré, — et cette Union libérale de O’Donnell, qui se séparait un jour des modérés pour mieux continuer leurs erremens, — il voyait ces sceptiques à l’œuvre, mesurant les droits du citoyen à sa cote de contribution ; et sa raison, accoutumée à se reposer dans la certitude des principes, au-dessus de la réalité incohérente, se détournait avec mépris d’une politique d’expédiens, que pas un sentiment généreux n’animait. S’il était venu dix ans plus tôt, je ne doute pas qu’il se fût engagé sous la bannière des progressistes y à la suite de Olozaga ; je doute fort qu’il y fut resté. Ceux-là, il est vrai, n’étaient point ennemis de l’émancipation populaire. Ils étaient toujours ramenés au pouvoir par les révolutions. Ils avaient fait la constitution de 1842. Leur politique était ou se disait fondée sur le principe de la souveraineté nationale. Mais ce principe, qui, en théorie, substituait à la volonté absolue d’un monarque la volonté non moins absolue du peuple, n’était accepté par la nouvelle école démocratique, et par Castelar, que sous la réserve et, en quelque sorte, avec le correctif des « droits individuels », derechos individuales, un dogme qui a fait, chez nos voisins, beaucoup de bruit et encore plus de mal ; qui a suscité des controverses infinies et joué de méchans tours aux républicains, qu’il a menés plus loin qu’ils ne pensaient aller. Castelar, à cette époque, dans le programme de ses rêves, réservait naturellement une place d’honneur à ce dogme sacro-saint. La théorie des droits