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l’Italie, et de les affirmer en un langage volontairement rude. On commentait, par exemple, avec une affectation répétée, la victoire remportée sur le Saint-Siège ; on allait même jusqu’à dire, — en quoi l’on avait raison, — que c’était là, par surcroît, une victoire sur d’autres puissances. Or on ne se lasse point de vaincre ; l’habitude en est douce à prendre ; et c’est pourquoi, plusieurs semaines durant, les lecteurs de certains journaux italiens purent avoir l’illusion que le Vatican prodiguait les plus humiliantes démarches pour obtenir, à la conférence de La Haye, une sorte de demi-représentation, comme qui dirait un strapontin prélatice, au lieu d’un bon fauteuil diplomatique. En fait, c’était le cabinet même de Saint-Pétersbourg qui, dans le courant de mai, proposait encore à la Consulta un moyen de venir à quelque résipiscence, et d’agir galamment à l’endroit du Saint-Siège et de l’Europe. La Consulta résista, comme pour continuer d’être victorieuse. Il est des cris de triomphe qui peuvent paraître détonner, à l’ouverture d’une conférence pour la paix.

Léon XIII, avec beaucoup de tact, voulait ignorer tout ce fracas : il se préoccupait, exclusivement, de seconder l’œuvre pacificatrice, dans la mesure où l’Italie lui en laissait la possibilité.


VI

Le 11 avril, le Pape recevait solennellement les cardinaux : il renouvelait, en termes fort élevés, l’expression de ses sympathies et de ses vœux pour l’initiative du Tsar, et c’est dans l’histoire même de l’Église, pacificatrice par son essence et pacificatrice dans le passé, que Léon XIII trouvait des points d’attache pour ses sentimens personnels. Ce discours, entendu d’abord par le Sacré Collège, fut immédiatement transmis à la presse de l’univers : d’un geste souverain, Léon XIII prenait sous sa protection la conférence pour la paix, et l’effet de ce geste était d’autant plus grand, qu’aucune protestation ne l’accompagnait. On s’étonnait, en lisant cette sorte de préface pontificale de la conférence, que Léon XIII ne fût pas admis dans cet universel cénacle des nations ; et l’on admirait que lui-même n’affectât aucune surprise, qu’il n’épanchât aucune plainte. Entre son altière sérénité et l’inquiète perturbation qui semblait agiter l’autre pouvoir, le contraste allait croissant. « Rendre plus rare et moins sanglant le terrible