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Il se plaignait, précisément, que la perte de toute souveraineté temporelle l’empêchait d’exercer, dans toute sa plénitude, l’influence qui convenait au chef de la catholicité ; l’Italie avait-elle intérêt à paraître justifier les plaintes du Pape ? Lorsque, en 1887, M. le duc Léopold Torlonia, syndic de Rome, avait, à l’occasion du premier jubilé pontifical, porté ses complimens au cardinal-vicaire, délégué de Léon XIII pour la gérance de l’évêché de Rome, M. le duc Torlonia fut révoqué par un décret, signé de M. Crispi et de tous ses collègues ; la preuve sembla faite, dès lors, que le Pape est le seul évêque d’Italie avec lequel le maire de la ville épiscopale doive s’abstenir de tous rapports. La presse modérée du royaume regretta cette maladresse ; mais cela ne regardait que les Romains. Lorsque, en 1891, un pèlerinage d’ouvriers français se termina par des bagarres dont l’origine exacte est demeurée passablement confuse, le ministère italien prohiba pour un temps le retour de ces manifestations. L’on put juger qu’une pareille interception était peu compatible avec la liberté du Pape ; mais cela ne regardait, après tout, qu’une élite de piétés ferventes. En 1899, l’atteinte a été singulièrement plus grave. Le Tsar avait nettement marqué qu’il désirait la collaboration de Léon XIII à la conférence de la paix. Ce vœu personnel était partagé par les spécialistes du droit international : moins de deux ans auparavant, le septième congrès universel de la paix, tenu à Budapest sous la présidence de M. le général Turr, avait remercié le Pape de ses nombreux actes pacificateurs et l’avait requis, « humblement, instamment, » de continuer à se faire le champion de la « grande croisade de la fraternité du genre humain » et de seconder les gouvernemens civils dans leurs projets de pacifique entente. Ni dans les congrès d’études, même sevrés de toute attache confessionnelle, ni dans tes cabinets des souverains, même séparés de l’Église, on ne concevait qu’à une conférence internationale pour la paix le Saint-Siège pût faire défaut. Léon XIII, pourtant, a été tenu à l’écart. Et lorsque les fidèles dans les nations catholiques, lorsque les curieux dans les nations protestantes, ont interrogé leurs gouvernemens sur les raisons de cette exclusion, les gouvernemens ont répondu, avec des ambages qui trahissaient quelque contrariété : « C’est parce que la question romaine existe. »

Comme les gouvernemens eux-mêmes, nous ne sortirons point ici du rôle de témoin ni du domaine des constatations : à