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circulation dans le monde. Les événemens des deux années écoulées depuis lors ont justifié notre théorie avec une abondance de preuves qui ne laisse guère place à la contradiction ni même au doute.

L’étain, l’un des métaux dont les fluctuations sont les plus vives, à cause, en partie, de la faiblesse du chiffre de sa production et de sa consommation qui s’élèvent l’une et l’autre à 75 000 tonnes par an environ, valait 1 750 francs la tonne vers 1877, 2 550 en 1882, pour retomber à 2 000 en 1884, se relever à près de 3 000 en 1888, lors de la combinaison Secrétan, revenir à 1 500 francs en 1896, et reprendre aujourd’hui son niveau le plus élevé, 3 000 francs. Le plomb, dont la production et la consommation sont à peu près décuples de celles de l’étain, a valu 400 francs la tonne en 1880, 275 francs en 1885, 350 en 1888, 225 en 1894, et est remonté à 350 francs. Le cuivre, dont nous parlions il y a un instant, a valu 1 500 francs la tonne vers 1879, 1 000 francs en 1886, 2 700 francs en 1888, 875 francs l’année suivante, est resté ensuite dans les en- virons de 1 000 à 1 200 francs, jusqu’à ce que la hausse violente du printemps de 1899 l’ait relevé aux environs de 2 000 francs. La production, jusqu’à cette année, n’a cessé d’en croître : en ce moment même, sous l’influence d’un déplacement de cours aussi énorme, des mines de cuivre s’ouvrent de toutes parts. On voit combien ce renchérissement à peu près général des matières premières exige de capitaux nouveaux pour l’échange de quantités égales à celles qui se traitaient auparavant, à plus forte raison pour celui de quantités accrues.

Ce n’est pas l’augmentation de la production annuelle de l’or, atteignît-elle un milliard par rapport à la moyenne antérieure, qui peut combler de pareils écarts ; l’épargne qui, à des époques prospères comme celles que nous traversons, met de côté tous les ans des milliards, ne s’accumule pas non plus assez vite pour satisfaire aux besoins ainsi multipliés. De là le phénomène auquel nous assistons depuis plusieurs années et dont l’intensité frappe à cette heure tous les yeux : la baisse progressive des fonds d’État, en particulier de ceux qu’on appelle valeurs de premier ordre, pur exemple les rentes française et allemande, et des autres titres à revenu fixe, comme les obligations de chemins de fer, dont l’intérêt est d’autant plus bas que le crédit du débiteur est meilleur et la sécurité du placement plus grande. Aux époques où l’industrie végète, où l’esprit d’entreprise sommeille, les capitaux