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XIXe siècle, la vieille démarcation qui séparait, au XVIe siècle, le reître du lansquenet et, au XVIIe, la cornette des « maîtres » de l’enseigne des « gens de pied. » Quoiqu’il existe d’autres animaux domestiques aussi nécessaires que lui, du cheval seul on dit qu’il est un « noble animal, » et les concours hippiques possèdent une distinction fashionable à laquelle les autres concours agricoles ne sauraient atteindre. Il n’est pas jusqu’au cirque, où l’écuyer ne se regarde comme supérieur au gymnaste.

Enfin, de tous les objets qui alimentent la conversation mondaine, les seuls dont il soit séant de discourir avec abondance, sans crainte de passer pour cuistre ou pour pédant, ce sont les choses d’écurie. Les gens d’esprit s’ennuient à la longue de « faire » ou d’entendre « faire de l’esprit ; » les hommes se lassent de parler « femmes, » les femmes de parler « chiffons, » et les spécialistes auraient mauvaise grâce à gloser sur les détails techniques de leur profession ; mais le « cheval » n’est jamais de trop entre gens bien élevés et sa matière est inépuisable. « Snobisme » si l’on veut ; la preuve que les « snobs » sont utiles et qu’il en faut, c’est que, sans cette « hippolâtrie » des sous-hommes de sport, le groupe des amateurs sincères, compétens et désintéressés qui entreprit en France, voici soixante-cinq ans, le relèvement de l’espèce chevaline n’aurait pu réussir à implanter le goût des courses dans notre pays, à une époque où l’on ne pouvait prévoir les superbes rendemens du « totalisateur » officiel.

Or, quoi qu’en disent leurs détracteurs, et par exemple telle brochure signée d’un « publiciste, lauréat de sociétés savantes, » lequel proposait, pour démontrer que les courses ne servaient à rien, « d’atteler pendant douze heures de suite à une pièce d’artillerie les gagnans des grands prix, afin de voir comment ils se comporteraient, » c’est, au contraire, à la mesure des forces par l’impétuosité du train que l’on doit, sur le sol français, la création et le développement d’une race supérieure où toutes les autres, par le croisement, vont puiser, avec les tendons, les os et les fibres, la résistance et le cœur. Le fait est tellement avéré qu’il n’existe pas de sélection possible sans le critérium de la piste, que l’administration des haras, lorsqu’elle élevait des étalons de pur-sang, devait, elle aussi, les envoyer courir pour savoir ce qu’ils valaient. Il est curieux que ces assauts de vélocité aient débuté chez nous à la même époque que les chemins de fer, et que l’on se