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AU SEUIL DU DÉSERT

PREMIÈRE PARTIE

J’ai parcouru le triste Sahara, le désert abandonné des arbres et des fleurs. Je l’ai parcouru dans le resplendissement de l’été, qui fait aimer jusqu’à la souffrance ce pays de chaleur et de lumière. J’ai foulé le fauve squelette, et contemplé la tristesse ensoleillée des horizons vides, élargis sous la rondeur du ciel. Ma vie y a été une vie dure et délicieuse de songeur solitaire, dans l’intimité d’une nature morte et la familiarité des pierres jamais dérangées depuis l’origine du monde.

J’en reviens l’âme pleine de lumière. Je voudrais rendre ici la grande monotonie du désert, l’étincellement d’un ciel de flamme, la torpeur des journées silencieuses, la folie de l’eau au cœur, l’accablement des soirs, aux haltes sous les fraîches étoiles.

Ce ne sont que des sensations légères et fugitives, un rêve féerique aux fonds d’or, fait à demi sommeillant par un amoureux de la nature, un vagabond coureur d’idéal, dans l’assoupissement des marches lentes et le bercement des chameaux.


I


Laghouat, 18 septembre.

Nous sommes arrivés depuis une heure, brisés de fatigue par quatre jours de diligence. Mais comment se reposer quand on se sait au bord du désert, quand à quelques pas de soi on sent le