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QUESTIONS SCIENTIFIQUES

LA
LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME


Une loi que l’on a pu qualifier de néfaste, de folle ou de « criminelle » a achevé, il y a vingt ans, de déchaîner sur notre pays le fléau de l’alcoolisme. Cette loi du 17 juillet 1880 a supprimé toute entrave à l’établissement des débits de boissons. Chacun est libre d’ouvrir, sur simple déclaration, café, cabaret, magasin de détail. Les résultats de cette liberté illimitée n’ont pas tardé à se faire sentir ; les débits ont pullulé sur toute la surface du territoire. De 1850 à 1880, sous le régime de la réglementation, le nombre de ces établissemens avait peu varié. Il avait augmenté de 350 424 à 356 863, c’est-à-dire d’une manière insignifiante. À partir de 1880, l’essor devient prodigieux : en 1894, le nombre des débits atteint 451 000. Il est aujourd’hui bien près de 500 000. Dans certaines villes il a doublé. Il y avait, en France, antérieurement à la loi, un débit par 100 habitans. Il y en a maintenant un pour 84 environ ; et suivant les localités, cette proportion s’élève à 1 pour 66, ou davantage. Dans le département de l’Eure, qui est l’un des plus infestés, il y a un débit pour 11 habitans, c’est-à-dire un débit pour trois adultes mâles, pour trois électeurs. En d’autres termes, un électeur sur quatre passe sa vie à verser, d’un beau geste, de l’alcool aux trois autres.

L’alcoolisme a marché d’un mouvement parallèle. L’occasion