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En Angleterre, la lutte contre l’alcoolisme emploie d’autres armes. Les sociétés de tempérance s’y sont prodigieusement développées et on aurait tort de se montrer sceptique sur l’efficacité de leur action. Elle est incontestable. Mais là encore les mesures les plus efficaces ont consisté à accumuler les obstacles matériels devant la passion alcoolique. L’impôt sur l’alcool a été élevé au chiffre colossal de 477 francs par hectolitre. La licence des débitans varie de 112 à 1 500 francs pour des loyers qui s’échelonnent de 250 francs à 17 500 francs. Enfin, et surtout, les magistrats ont le droit de prohiber le trafic des spiritueux ; et ils ne craignent pas d’en user. Plus de 2 000 paroisses sont privées de débits. Il y a même, dans de grandes villes, comme Liverpool, des quartiers qui sont dans le même cas. Tel le Soxteth-Park Estate qui ne comprend pas moins de 60 000 habitans sans un seul débit. Cette limitation même n’a pas encore paru suffisante. Le gouvernement libéral avait soumis au Parlement un bill, dit du veto local, qui autorisait la majorité des habitans d’une paroisse à y interdire le trafic des spiritueux, totalement ou partiellement, selon le chiffre des majorités. Ce projet, présenté par sir William Harcourt, a été combattu par les conservateurs et finalement repoussé. Mais le fait seul de sa proposition indique bien les tendances de l’opinion anglaise.

C’est à des mesures de ce genre qu’il importe de préparer l’opinion. Ce sera l’œuvre capitale des associations et des ligues qui se sont formées en France. Il faut que, s’adressant au bon sens universel, elles créent un mouvement d’opinion qui triomphe des résistances intéressées et prépare l’abrogation des lois de 1875 et 1880, seules mesures réellement efficaces.

A. DASTRE.