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et à Lafayette « que la crise actuelle ne pouvoit plus durer, qu’il alloit donner aux négociations une tournure franche et décisive, qui alloit faire cesser toutes les perplexités ; » que les opérations militaires devraient participer de cette énergie ; et qu’en conséquence, le plan proposé devait être modifié dans ce sens agressif.

Les deux généraux ne pouvaient pas ne point tenir compte de ces observations du président du Conseil du Roi : ils revinrent donc sur leur projet et présentèrent d’autres dispositions. Aux termes de ce plan modifié, l’armée du Nord (Rochambeau) passait d’abord une division active, la deuxième, à l’armée du Centre (Lafayette), qui doublait ainsi son effectif. Ce renforcement effectué, l’armée du Centre envahissait le pays de Liège, poussait jusqu’à Maëstricht, occupait toute la rive droite de la Meuse moyenne et coupait ainsi de leur base d’opérations les troupes autrichiennes des Pays-Bas. Pendant cette marche de Lafayette, les troupes de Rochambeau avaient maintenu par des démonstrations sur la frontière les garnisons du Brabant ; l’armée du Rhin en avait fait autant vis-à-vis des troupes du Palatinat et des Pays rhénans ; et, suivant le succès obtenu par Lafayette, le maréchal Rochambeau pénétrait dans les Pays-Bas avec sa propre armée seule, ou réunissait en une seule masse l’armée du Nord et l’armée du Centre pour des opérations à déterminer ultérieurement.

Cette idée d’une invasion du pays de Liège appartenait à la fois à Lafayette et à Dumouriez et était bien antérieure à la situation actuelle. Elle remontait à 1790, date à laquelle les Pays-Bas, en insurrection déclarée contre la domination autrichienne, avaient demandé à la France un officier pour organiser leur armée. Dumouriez, sur lequel était tombé ce choix, à l’instigation de Lafayette alors tout-puissant, avait reconnu à cette époque que la révolution belge, conduite par des gens sans convictions ni talens, était appelée à échouer comme elle fit effectivement en décembre 1790. Dans le pays de Liège, au contraire, les racines du mouvement insurrectionnel étaient plus profondes, plus vivaces ; le principe des revendications se rapprochait sensiblement des nôtres ; en conséquence, une intervention, inutile et sans profit en Brabant, avait toute chance de réussir dans le pays de Liège, et de n’être pas moins utile à notre propre cause qu’à celle des Liégeois révoltés.

C’étaient ces considérations qui venaient de servir de base à