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sans cesse en travail, entrevoyait déjà toute l’armée de l’Empire combattant dans nos rangs et sous nos couleurs : « Je prévois avec plaisir, disait-il à Biron le 27 mars, qu’à la tête des troupes de la nation, vous commanderez bientôt une armée autrichienne dont nous nous servirons parfaitement contre les despotes. » Que ne devait-on donc point faire pour Lauzun, pour cet homme précieux qui avait conçu et se faisait fort d’exécuter ce plan génial de désertion en masse ? Le bâton de maréchal de France ne paraissait pas une récompense exagérée pour un tel service, et Dumouriez n’hésitait pas à le lui promettre. « Laissez-moi, lui écrivait-il, laissez-moi saisir l’occasion de vous mettre à la main le bâton qu’ont honoré vos pères. » Et pour faire naître cette occasion, le moyen le plus sûr était non seulement d’attribuer à l’armée du Nord un caractère nettement offensif, mais surtout de réserver à Biron le rôle principal dans cette offensive. Il ne pouvait exister aucun doute à cet égard.

Ce fut ainsi que, séduit par les raisonnemens spécieux de son correspondant, désireux de lui être agréable, de le mettre en lumière, Dumouriez commença à prêter l’oreille aux propositions de Valenciennes, concernant l’opportunité qu’il pourrait y avoir à modifier le plan d’opérations Rochambeau-Lafayette. L’idée de cette modification, d’abord assez vague dans l’esprit du ministre des Affaires étrangères, finit par germer, par prendre corps, par se développer, et se développer au détriment de toute autre. Aussi Beauharnais, envoyé à Paris pour exposer verbalement à Dumouriez les raisons de Lauzun, pour essayer de le convertir à ses désirs, trouva-t-il un terrain tout préparé, un homme acquis d’avance à ce qu’on venait lui proposer.

Ce fut en réalité à ce moment, c’est-à-dire pendant le séjour de Beauharnais à Paris, ce fut dans ses conférences avec le ministre des Affaires étrangères que fut définitivement combiné, nous allions dire comploté, le nouveau plan stratégique et l’offensive de l’armée du Nord.

Il fut décidé alors que, tout en conservant à Rochambeau le commandement nominal des troupes, on ne laisserait guère à sa disposition que des réserves, les bataillons de gardes nationales inexercées, en un mot les contingens de seconde ligne ; et qu’au contraire, tout ce que l’on pourrait rassembler de troupes actives serait réuni sous Lauzun, en une seule masse, destinée à opérer une irruption soudaine dans le Brabant, flanquée, à droite et en