Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retrait, par l’armée de Lafayette, à gauche, par des détachemens tirés de Lille et de Dunkerque.

Tout cela n’était point encore bien réglé dans les détails, mais le principe en était arrêté. Aussi, le soir du 11 avril, Beauharnais pouvait-il annoncer avec vérité à Lauzun que « l’armée du Nord devait être offensive comme celle du Centre et qu’une division de vingt mille hommes placée sous son commandement serait particulièrement destinée à opérer activement. » — « Toutes les mesures relatives à ce système, ajoutait-il, vont être prises, et plusieurs même qui s’y rattachent ont déjà été ordonnées. » Deux jours après, le 13, Dumouriez écrivait lui-même à Lauzun pour lui confirmer ces nouvelles : « Si la totalité de l’armée du Nord n’agissait pas offensivement, lui disait-il, il y aurait cependant une partie de cette armée employée très activement et c’est vous qui la commanderiez. »


III

Ce fut le 15 avril que prirent fin les conférences entre Dumouriez et Beauharnais. Les grandes lignes du nouveau plan d’opérations avaient été tracées de la façon que nous avons dite ; toutefois, il restait un point à préciser : la façon dont on ferait accepter au maréchal de Rochambeau la situation nouvelle.

La question était délicate. Rochambeau, par son âge, par sa situation personnelle, par son grade, enfin par la faveur dont il jouissait auprès du Roi, était une personnalité avec laquelle même un ministre ne pouvait se passer de garder des ménagemens. Or on se doutait bien que le maréchal opposerait un veto catégorique à une modification aussi radicale que celle à laquelle on voulait s’arrêter. Dumouriez, doué d’un esprit fécond en ressources, chercha un expédient ; Beauharnais s’ingénia ; Lauzun fit de même. Mais ni les uns ni les autres n’avaient trouvé de solution satisfaisante quand une aggravation subite de l’hydropisie dont souffrait Rochambeau parut devoir trancher le litige. A vrai dire, Rochambeau disparaissant, il n’existait plus de litige. Effectivement, s’il avait paru malaisé d’imposer au maréchal un plan contraire à ses idées, il demeurait tout simple de modifier la conception originelle le jour où un autre serait placé à la tête de l’armée du Nord ; et cette dernière éventualité paraissait être à la veille de se réaliser.