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Il me suffit d’avoir constaté la force et la généralité d’un courant. Dans aucun de ces discours officiels, je n’ai trouvé trace de ces théories d’après lesquelles on sacrifierait la besogne vulgaire de faire de nos jeunes gens des citoyens français, à la tâche plus relevée d’en faire des citoyens du monde. En revanche, partout s’y affirme la volonté de fortifier chez eux le sentiment national, le culte de la tradition proprement française, le respect du passé, et cet esprit d’absolu dévouement à la Patrie qui trouve dans l’accomplissement du devoir militaire son expression concrète. Depuis le ministre jusqu’aux professeurs, tous ceux qui ont parlé au nom de l’Université ont éprouvé le besoin de s’expliquer sur ces matières, sans laisser aucune place au doute. Ils sont allés au plus pressé. Ils nous ont apporté un témoignage qui nous est précieux. Ils ont droit à la gratitude de tous ceux qui aiment l’Université, qui n’ont jamais douté d’elle, et qui ont trop confiance en sa sagesse pour croire qu’elle puisse s’employer elle-même à aggraver la crise dont elle souffre.

Cette crise, on en a singulièrement exagéré l’acuité. Elle provient d’ailleurs moins de causes particulières à l’Université, que de causes générales ; et elle est surtout une répercussion du malaise qui se fait partout sentir à l’heure présente. Il n’en est pas moins vrai que l’Université est aujourd’hui en butte à toutes sortes de critiques, et que ces critiques lui sont adressées, non du tout par ses ennemis du dehors, mais bien par les universitaires. Pour ma part, lorsque je me suis hasardé à soutenir que l’enseignement universitaire n’est pas aussi malfaisant qu’on le répète de tous côtés, ce sont des universitaires qui m’ont reproché la niaiserie de mon optimisme, et ce sont des normaliens de la veille qui ont raillé, de haut, la naïveté de mon inexpérience. Ce concours de récriminations a ému les pouvoirs publics ; le Parlement a ouvert une enquête sur l’enseignement secondaire ; elle a été menée par M. Ribot avec une largeur de vues, une habileté et une impartialité auxquelles rendent hommage tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre. L’enquête a porté surtout sur les rapports de l’enseignement classique et de l’enseignement moderne, et sur la réforme du baccalauréat. Ces questions sont d’une importance que je ne songe pas à contester. Tout ce qui concerne le plan des études scolaires entraîne de grandes conséquences. Songeons néanmoins que nous sommes destinés à oublier à peu près tout ce que nous avons appris au collège ; ce qui reste en nous, ce ne sont pas les notions précises de science, d’histoire ou de littérature dont nous étions fortement munis aux jours d’examens, mais c’est la tournure qu’a prise