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donné, comme il fallait s’y attendre, le spectacle de l’anarchie et de l’impuissance. On ne s’est entendu que pour repousser le projet ministériel ; on a cessé de le faire lorsqu’il s’est agi d’en adopter un autre. Tous les projets ont été alors successivement repoussés, et on s’est trouvé en présence du néant. L’échec de la commission parlementaire aurait pu rendre un peu de prestige au ministère, si celui-ci n’avait pas été déjà mort. Le roi a confié la mission de former un nouveau cabinet à M. de Smet de Naeyer, un des deux ministres qui avaient donné leur démission, en janvier dernier, à la suite d’un dissentiment avec M. Vandenpeereboom, précisément sur la réforme électorale. La réforme de M. Vandenpeereboom ayant échoué, M. de Smet de Naeyer était tout indiqué pour produire la sienne. Il n’avait d’ailleurs pas l’embarras du choix : le scrutin de liste et la représentation proportionnelle intégrale étaient imposés par les circonstances. La seule tâche que se propose, pour le moment, le ministère est de faire aboutir cette réforme. Il aura pour cela le concours de M. Vandenpeereboom, qui le lui a publiquement promis aussi large que possible. M. Vandenpeereboom reconnaît aujourd’hui que la représentation proportionnelle intégrale est indispensable, ou du moins inévitable ; et peut-être, si un sentiment de rancune peut entrer dans une âme aussi chrétienne que la sienne, n’est-il pas fâché, en le reconnaissant, de faire pièce à M. Wœste, partisan fanatique du scrutin uninominal. M. Wœste, en effet, n’a pas peu contribué à sa chute. Le ministère aura donc avec lui la plus grande partie des catholiques, et aussi un certain nombre de radicaux, qui ajournent la question du suffrage universel et celle du référendum, et se contentent, pour aujourd’hui, de ce qu’on leur offre loyalement, en se réservant de demander le reste ensuite. Les socialistes seuls restent fidèles à la méthode du tout ou rien. Ils parlent même de la soutenir par l’obstruction. Néanmoins, la situation est détendue, et il y a lieu de croire que M. de Smet de Naeyer réussira dans son entreprise. L’expérience en est trop intéressante pour que nous ne la suivions pas avec la plus sympathique attention.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.