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années qui lui restent à vivre et qu’il passe dans l’opposition, par la ligne de conduite si politique, si sage, où il se tient avec un admirable esprit de suite, il va grandir encore, jusqu’au point d’être décidément, aux regards de ses concitoyens et du monde, dans sa pure gloire, dans le respect universel dont il est entouré, la plus brillante, la plus haute personnification de l’Espagne.


I

En acceptant le pouvoir, Castelar avait nettement posé ses conditions. On connaît déjà son programme de gouvernement ; j’en ai recueilli les traits épars dans son mémorable discours des 8 et 10 juillet. En réalité, qu’avait-il l’ait depuis deux mois que l’annoncer et le prêcher sans cesse ? Ce qu’il voulait, oh ! il le savait bien ; mais l’assemblée le savait aussi ; il ne l’a pas trompée ! il n’a rien laissé dans l’ombre ; il a tout proclamé avec une incomparable franchise. Quelques jours avant l’élection, dans une réunion des membres de la majorité, il avait eu le soin d’énumérer les mesures de salut public qu’il jugeait nécessaires et sans lesquelles il ne se chargeait pas du pouvoir. C’était comme un contrat dont il dictait les clauses. Il stipulait :

1° La suspension des séances des Cortès durant plusieurs mois ;

2° La faculté d’employer les conservateurs de toutes nuances qui s’offriraient à servir la République contre les carlistes ;

3° Le rétablissement, dans sa rigueur, du code militaire ;

4° Le droit éventuel de suspendre les garanties constitutionnelles ;

5° Le droit de dissoudre les municipalités et les députations provinciales ;

6° Les pouvoirs les plus étendus pour réaliser les ressources financières indispensables.

Tout lui fut promis ; et, le 8 septembre, le jour où il prenait effectivement la direction des affaires, comme s’il eût voulu consacrer l’engagement et le sceller, aux yeux de tous, il vint aux Cortès et prononça un discours-message, qui n’avait d’autre défaut que d’être précisément un discours, un long discours de plus, quand l’heure avait sonné où les actes devaient — il le disait lui-même — remplacer les paroles. Mais n’oublions jamais que Castelar était par essence un parlementaire, et un parlementaire