Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espagnol : double raison pour être infiniment verbeux ; et le fait est que cet usage immodéré de la parole publique est peut-être, avec l’esprit de coterie, ce qu’ils ont su le mieux, en Espagne, s’approprier de ce régime des assemblées où tant de force se dépense à discourir en vain ! N’oublions pas aussi que les lois qui allaient conférer au nouveau président de la République des pouvoirs extraordinaires n’étaient ni votées, ni même présentées. Ces lois, dites des autorisations, ne passèrent que quelques jours après, et, dans les séances où elles furent discutées, Castelar donna le spectacle dont nous avions été témoins sous la présidence de Thiers, le spectacle si frappant d’un chef d’État debout sur la brèche, je veux dire à la tribune, enlevant les votes de haute lutte. Or, voici comment, dans cette journée du 8 septembre, Castelar justifiait les pouvoirs discrétionnaires qu’il réclamait, qu’il exigeait : « Dans les républiques modernes, la guerre est avant tout l’office des armées permanentes. Même dans les pays où ces armées sont peu considérables, elles entrent en campagne disciplinées, organisées, dirigées par leurs chefs naturels, selon les règles de la hiérarchie, ayant devant elles la mort dans la bataille et derrière elles la mort dans le code militaire. Voilà comment on se bat en tous pays ; et voilà comme il faut qu’on se batte en Espagne. Et c’est pourquoi, messieurs, avec toute l’énergie de mes convictions et tout le mépris que m’inspire la fausse popularité, fort de ma conscience d’honnête homme et de patriote, je vous demande de nous donner tous les moyens de rétablir la discipline dans l’armée, de rendre toute sa vigueur, tout son prestige au code militaire... » Il ajoutait : « Accusez-moi d’inconséquence, soit ! J’écouterai l’accusation ; je ne me défendrai pas. Eh quoi ! Ai-je le droit de songer à être conséquent ? Ai-je le droit de tout sacrifier à des considérations personnelles ? En ai-je le droit ? Ah ! que mon nom périsse, que les générations présentes me condamnent à l’exil, à l’oubli, peu m’importe ! j’ai assez vécu ; mais que la République ne se perde pas par ma faiblesse ! Surtout, messieurs, que la patrie ne se perde pas dans nos mains ! »

Puis, abordant les deux questions scabreuses : l’emploi des généraux alphonsistes et la suspension des garanties individuelles :

Ce n’est pas tout ; il faut plus encore ! Il faut, tandis que nous discutons ici, que les chefs militaires de tous les partis, et ceux-là même qui ont le