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illusions flétries comme les feuilles sèches qu’emporte le vent d’automne... »

En relisant cette page si mélancolique, il m’a semblé que Castelar, jeune encore, avait pressenti la ruine de ses propres illusions. — Était-ce la peine, direz-vous, pour ces illusions vouées à une fin prochaine, d’agiter l’Espagne, de déchaîner sur elle les orages des nations voisines, et, selon la prophétie de la gitane, de faire tant de bruit dans le monde ? Mais cette agitation de la place publique n’est-elle pas la condition, la vie même des peuples modernes ? Et Castelar plus que tout autre a travaillé à faire de sa patrie une nation moderne. Par lui, plus que par tout autre de tes fils, pauvre Espagne, terre d’idéal, pays très noble des preux et des mystiques, par lui qui fut aussi un mystique et preux chevalier, — le servant des idées de notre révolution, — tu as vécu, depuis quarante ans, de la vie de l’âme et de la pensée ; tu as espéré ; tu as cru au progrès ; tu as cessé d’habiter avec les morts dans les tombeaux ; et, en restant fidèle au culte de tes traditions, tu as orienté vers l’avenir la générosité de ton effort.


E. VARAGNAC.