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Au sein de la commission, je m’étais vite rallié aux paroles très vives de M. Villemain en votre faveur. Au sein de l’Académie, j’ai applaudi mon excellent ami et voisin, M. Patin, qui a plaidé pour Lucrèce d’une manière vraiment éloquente ; c’est à lui, Monsieur, c’est à M. Villemain, c’est enfin à MM. Molé et Cousin, qui ont pris la parole avec puissance et à-propos, que vous devez quelque chose de particulier ; mais il ne m’est pas moins très doux. Monsieur, que vous croyiez aux sentimens de sympathie que m’a inspirés votre pièce dès le premier jour et que j’ai été heureux de pouvoir finalement exprimer par un vote positif.

Continuez, Monsieur, et que vos futurs succès vous conquièrent au sein de l’Académie encore mieux que des couronnes.

Agréez, je vous prie, l’expression de ma haute considération,

SAINTE-BEUVE.


Mais ce qui prouve le mieux l’immense succès de Lucrèce, c’est le nombre des parodies auxquelles elle a donné lieu : Hernani lui-même, naguère, n’en avait pas fait naître une plus grande abondance. La plupart de ces parodies, malheureusement, manquent trop d’esprit pour qu’il y ait aucun intérêt à les ressusciter. Bornons-nous donc à rappeler quelques titres, au hasard : Lucrèce à Poitiers, tragédie-vaudeville en trois actes, par un certain Léonard ; les principaux personnages sont Lucrèce et Guanhumara ; — Lucrèce Collatin, ou la Vertu mal récompensée. — La Lucrèce de M. Ponsard racontée par Jérôme Paletot, petit-fils de Cadet Buteux, facétie en vers de S. H. Chabenat ; — l4Anti-Lucrèce, par Aristophane PHiloradix (de son vrai nom : Aubin Gautier). — Examen et Appréciation impartiale de la Tragédie de Lucrèce de M. Ponsard, par Hermann Seiglerchmidt, ancien précepteur de S. A. R. le prince Georges de Prusse. Ce dernier ouvrage, à proprement parler, n’est pas une parodie, mais un véritable « examen, » et je ne serais pas étonné qu’il fût l’œuvre d’un véritable « précepteur : » la pièce y est analysée vers par vers, en soixante-dix pages ; toutes les expressions en sont considérées séparément, et, suivant le caprice de l’auteur, approuvées ou blâmées. Peu s’en faut que l’auteur ne numérote les fautes qu’il relève, pour en mettre le total en balance avec la somme des bons points accordés par lui tout au long de son « examen. »


Telle est, en résumé, l’histoire de Lucrèce. J’ai fait de mon mieux pour raconter les conditions où est née cette tragédie, les circonstances qui ont précédé et suivi sa représentation. Son rôle