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Italiens du Nord, en entrant en rapports avec cette région lointaine, n’ont pu que constater, à S. Pietro di Lama, à Grottaglie, la décadence progressive de ces travaux de poterie qui, dès les temps les plus anciens, dénotaient le goût esthétique et l’habileté technique des populations de la Messapie ; et les seules fabrications dont la prospérité demeure parfaitement intacte sont celles qui résultent des besoins mêmes de la région, comme à Vastrignano, par exemple, celle des tissus de coton, qui garderont quelque temps encore une clientèle locale, ou comme à Gallipoli la fabrication des tonneaux. Si donc la viabilité de la terre d’Otrante a été passablement négligée, cette négligence même a conjuré certains dangers. Car les nombreux villages qu’on abandonnait à leur isolement ont conservé l’habitude de proportionner leur production aux besoins locaux et de mesurer constamment le rayon de leur influence commerciale ; ils n’ont pas subi cet enivrement de la « mégalomanie » économique, auquel ont succombé d’autres districts de la Pouille. Et sans doute, dans la terre d’Otrante comme ailleurs, la culture du coton, qui rapportait, au moment de la guerre de sécession, le quadruple du prix normal, a battu en retraite devant l’invasion des cotons américains ; les terres à blé, à peu près respectées dans les circonscriptions de Brindes et de Tarente, ont été plantées en vigne dans celle de Gallipoli ; d’imprudens déboisemens ont singulièrement réduit la superficie des forêts ; mais en dépit de ces vicissitudes, la terre d’Otrante ne s’est jamais départie d’un certain équilibre de cultures, d’une certaine stabilité d’intérêts ; parce que lointaine, elle fut prudente ; parce que prudente, elle demeure heureuse.

Il advient que cette prudence même amène la province de Lecce à n’accepter qu’avec discrétion certaines bonnes fortunes, que lui offre la générosité de l’État. Voilà cinq ans qu’on la convie à la culture du tabac ; l’activité de M. le syndic Pellegrino a fait créer à Lecce un laboratoire de tabacs orientaux ; on remontre aux paysans qu’un hectare rapporte 120 francs, s’il est cultivé en blé, et 794 francs si l’on y introduit le tabac oriental à petites feuilles ; on a pu provoquer ainsi, en faveur de l’acclimatation de cette nouveauté, un certain nombre d’adhésions intelligentes ; mais en 1897, des plants de tabac dont l’État proposait la culture, à peine un tiers ou les deux cinquièmes étaient utilisés. A cette richesse inédite, cadeau d’un pouvoir éloigné, on