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Foggia, frappant à la porte de tous les cœurs, s’exclamait au terme de son affiche, en une interpellation soudaine : « Mères, filles, femmes, si les électeurs ne votent pas pour moi, vous leur refuserez vos sourires et vos baisers. » Il ne fut point élu, et rien ne fait croire qu’à Foggia, depuis son désastre, les mères soient devenues plus sévères, ni les filles moins affectueuses, ni les femmes moins complaisantes.

Les Pouilles sont la région du royaume où l’on vote le plus ; et il n’y a, dans cette région, aucune vie politique sérieuse, aucune agitation profonde. Le socialisme n’y fait que de très lents progrès ; une partie de la bourgeoisie est devenue républicaine, la même peut-être qui sous les Bourbons avait donné le signal d’être libérale ; quant au peuple, il conserve un inébranlable respect pour un personnage abstrait, un dieu terrestre, « le Roi, » Les Bourbons ont fortement gravé le sentiment monarchique dans la conscience des populations méridionales, et cette empreinte qu’ils y ont mise profite à leurs successeurs ; le loyalisme de ces populations semble fondé, surtout, sur des habitudes inculquées par le régime ancien ; et c’est là ce qui fait, tout ensemble, la force et la faiblesse de ce loyalisme. Il découle d’une accoutumance d’esprit, et c’est là sa force ; il n’incarne pas une opinion vivante, et c’est là sa faiblesse. Tel quel, il est très original. Un gouvernement, assurément, pourrait souhaiter des sujets plus aimans ; il n’en pourrait souhaiter de plus commodes.

Les changemens de domination qu’ils ont subis à travers les âges les ont accoutumés à être les subordonnés du trône et de la couronne bien plutôt que les féaux d’une dynastie ; ils savent que les dynasties sont guettées par les vicissitudes de l’histoire, mais que le trône, patiemment, dans les grandes salles d’apparat, et la couronne, patiemment, dans les écrins somptueux, se prêtent à d’autres titulaires. Ils font comme le trône et comme la couronne, ils se prêtent. Leur loyalisme n’est qu’un aspect politique de leur vertu native de résignation : maintien du trône ou chute du trône, ils laissent tout faire à Dieu ! Et décidément, avec toutes leurs lacunes, ce sont de fort braves gens : les Bourbons les avaient bien élevés.


VII

On ne peut douter que le pouvoir central ait fait plaisir à ces braves gens, lorsqu’il a renoué les relations commerciales