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avec la France. Si impérieux en était le besoin, si vitale en était l’urgence, que M. le comte Giusso, dans un discours de l’année 1896, écartait avec une parfaite franchise toutes les objections et toutes les exigences que certaines chambres de commerce ou certains comices agricoles étaient tentés de risquer : le fait même d’une reprise des relations apparaissait à M. Giusso comme un minimum suffisant, ayant presque la valeur d’une victoire italienne. Mais ici les hommes du Nord intervenaient. « Raisonner ainsi, objectaient-ils, c’est vouloir subordonner à la fortune des Pouilles l’intérêt même de l’Italie. » Entre représentans du Nord et représentans du Midi, on épiloguait d’abord sur des détails ; et puis la discussion s’amplifiait, le fossé se creusait, aussi large, aussi difficile à combler, que celui qui, survivant à l’unité, sépare les traditions historiques et les habitudes d’existence des deux régions.

Le Nord possède un certain nombre d’industries qui ne voulaient accueillir un traité de commerce avec la France que si elles y devaient trouver certains privilèges propices ; çà et là, aussi, il a des vignobles, moins riches que ceux des Pouilles, moins impatiens de trouver un débouché pour leurs produits ; beaucoup de viticulteurs du Nord craignaient, avant tout, un abaissement de barrières douanières, qui ouvrirait l’Italie septentrionale aux vins étrangers ; et malgré les manifestations nombreuses qu’avait provoquées, de la part de 66 chambres de commerce et d’un certain nombre de comices agricoles du royaume, la Chambre de commerce française établie à Milan, on pouvait se demander si, à la veille du jour où l’entente commerciale paraîtrait devoir aboutir, le nord et le midi de l’Italie ne se livreraient point une suprême bataille d’influences, sinon au sujet de l’opportunité même d’une entente, du moins au sujet des conditions qui la régiraient. Cette bataille a eu lieu, mais elle n’a pas entravé la conclusion du traité.

Depuis la rupture des relations commerciales avec la République française, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, avaient été, tour à tour, sollicitées d’acheter les vins des Pouilles. La Suisse n’était qu’une médiocre cliente. L’Allemagne, après avoir accordé quelque crédit aux vins de table italiens, n’achetait plus guère que des vins de coupage. L’Autriche offrait un débouché plus large et plus sûr, et les bons offices du gouvernement de Vienne étaient assurés à la péninsule jusqu’en 1903, date d’échéance de la « clause ; » mais cette « clause » serait-elle renouvelée ?