Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

uns des traits caractéristiques de la vie sur les hauteurs. P. Regnard en a tracé un tableau sobre et exact. Les ascensionnistes ou les résidons les constatent dès l’altitude de 1 500 mètres. Les cheveux et la barbe deviennent raides ; l’activité de l’évaporation gerce la peau et les muqueuses ; elle produit des picotemens des yeux et de la gorge qui vont quelquefois, mais rarement pourtant, jusqu’aux petites hémorragies des lèvres ou de la conjonctive dont ont souffert quelques explorateurs. Ce sont ces écoulemens de sang que, depuis le voyage de La Condamine, Godin et Bouguer dans les Andes, on a attribués souvent, et à tort, à la raréfaction de l’air ; il est dû à sa dessiccation.

Dans son rapport à l’Académie des Sciences, Bouguer s’exprime ainsi : « L’atmosphère, dit-il, ayant un moindre poids n’aidait pas assez, par sa compression, les vaisseaux à retenir le sang. »

Cette explication, purement mécanique, n’est pas seulement contraire à la réalité, elle l’est aux principes mêmes de la physique, quoiqu’elle ait été imaginée par des physiciens et acceptée aveuglément par les médecins. La pression atmosphérique représente, sur chaque centimètre carré de la surface du corps, l’effet d’un poids de 1 kg. 03. Sur la surface entière du corps, c’est environ une pression totale de 15 tonnes. Une variation barométrique de 1 centimètre en plus ou en moins nous ajoute ou nous enlève donc 157 kilogrammes environ. Nous sommes, disait-on, en équilibre avec cette forte compression. « Vient-elle à être diminuée, il se fait à la surface du corps comme une immense ventouse ; l’action du cœur n’est plus suffisamment contre-balancée ; de là la congestion et les hémorragies des muqueuses et de la peau ; de là la face vultueuse, les accidens cérébraux. » L’erreur de ce raisonnement est évidente. Les tissus sont des semi-liquides ou des liquides vrais : l’organisme est en réalité une masse fluide, incompressible, qui est par conséquent soumise à la loi de Pascal : les pressions s’y transmettent dans tous les sens.

Ces explications mécaniques ont subsisté jusqu’aux travaux de Paul Bert. Ce n’est pas le moindre mérite de ce savant d’avoir bien montré que les effets du changement de la pression barométrique (et par conséquent de l’ascension en montagne ou en ballon), se rapportaient à deux conditions différentes : à la rapidité du changement, à la brusquerie de la variation barométrique, qui seule fait intervenir des effets mécaniques, et au changement lui-même, à la variation barométrique en elle-même, qui est de tout autre nature. C’est là un résultat général et simple.

À côté de ses inconvéniens, tels que le dessèchement et les ger-