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sang dont elle augmente le nombre des globules rouges. Elles seraient encore avantageuses aux malades plus avancés.


V

L’étude de la vie en montagne offre une sorte de paradoxe scientifique qu’il faut éclaircir. On vient de voir qu’elle produit un effet bienfaisant sur l’organisme, et constitue un moyen curatif puissant. Et, d’autre part, nous devons rappeler que le premier effet de la dépression atmosphérique, c’est-à-dire de l’ascension ou du séjour aux grandes hauteurs, est de provoquer un ensemble d’accidens morbides connus sous le nom de mal des montagnes.

La contradiction semble évidente ; mais ce n’est qu’une apparence. Le docteur Jourdanet, qui a eu un rôle d’initiateur dans quelques-uns de ces problèmes physiologiques relatifs à l’influence de l’altitude sur les êtres vivans, croyait que c’était là un vice irrémédiable de la montagne. Les populations des hauts plateaux de l’Amérique et des terrasses de l’Himalaya, condamnées, d’après lui, à une anoxyhémie chronique, c’est-à-dire à une diminution de l’oxygène, source des combustions qui accompagnent toute activité corporelle ou intellectuelle, étaient par cela même placées dans un état d’infériorité et de dégénération physique et morale dont toute leur histoire politique, économique et sociale fournirait un témoignage évident.

Jourdanet ignorait un fait qui ne devait être reconnu, d’ailleurs, qu’à une date assez récente. C’est que l’organisme présente un moyen de défense contre la diminution d’oxygène, contre l’anoxyhémie des hauteurs. Le sang absorbe moins d’oxygène, mais en compensation, et par un mécanisme efficient d’ailleurs inconnu, la matière absorbante du sang, la matière rouge, les globules rouges augmentent ; il y a, selon la terminologie barbare des physiologistes, hypercytémie. Dans les cas moyens, l’énergie de la résistance semble dépasser la violence de l’atteinte portée à l’organisme, et l’opération se solde, en définitive, au bénéfice de l’être vivant. Il y a non seulement acclimatement, mais l’organisme a acquis une ressource nouvelle.

Paul Bert avait nettement aperçu ce phénomène d’augmentation de la matière rouge (l’hémoglobine) dans le sang de l’animal qui s’acclimate aux hauteurs. Comparant la capacité d’absorption du sang pour l’oxygène chez un certain nombre d’animaux des hauts plateaux d’Amérique (la Paz, 3 700 mètres), il vit que cette capacité était supérieure à celle des animaux de nos pays. 100 centimètres cubes de sang