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peuvent absorber, au niveau de la mer, 10 ou 12 centimètres cubes d’oxygène, tandis qu’à la Paz ils fixent 21 centimètres cubes pour le porc et pour le cerf, 17 pour le mouton.

Ce fait de l’augmentation d’hémoglobine aux grandes altitudes fut vérifié par les expériences que M. Müntz exécuta au Pic du Midi de Bigorre. M. Müntz voulut savoir si une longue suite de générations était nécessaire pour produire cette modification. En avril 1883, il transporta à l’observatoire de Bigorre des lapins de garenne pris dans la plaine, aux environs de Tarbes, et sept ans plus tard, en août 1890, il sacrifia les lapins nés de ceux-là après plusieurs générations. La modification s’était accomplie ; le sang s’était enrichi en hémoglobine ; sept ans avaient suffi. Mais un si long délai n’est pas nécessaire. L’effet s’observa après six semaines chez des animaux (moutons) nés dans la vallée et transportés sur la montagne.

Un médecin distingué de Bordeaux, M. Viault, sans connaître les recherches de Paul Bert et de Müntz, arrivait de son côté à la même conclusion concordante ; mais il la précisait par une constatation importante. Comptant le nombre de globules rouges qui existent dans un volume donné de sang, il vit qu’après quinze jours de séjour aux grandes altitudes, ce nombre avait notablement augmenté. À Lima, le 4 octobre 1889, le sang de l’expérimentateur contenait 5 millions de globules rouges par millimètre cube : à Morococha (4 392 mètres), dans la Cordillère, le 19 octobre, il en contenait 7 100 000. Tous les sujets vivant à ce niveau présentaient des nombres à peu près aussi élevés. De retour en France, M. Viault répéta entre Bordeaux et le pic du Midi des déterminations analogues à celles qu’il avait faites en Amérique. Le nombre des globules rouges, qui était de 4 730 000 à Bordeaux, s’éleva, dans la montagne, à 5 230 000.

L’altitude avait donc pour effet d’élever notablement le nombre des globules rouges. La matière colorante n’augmente pas aussi vite : les premiers globules formés sont encore un peu pâles et l’hémoglobine ne vient les teindre que plus tard. C’est de cette manière que l’organisme s’adapterait aux basses pressions des stations montagneuses. Loin de subir passivement la raréfaction de l’oxygène, il cherche et réussit à lutter victorieusement contre cette condition défavorable.

Les résultats précédens ont été confirmés, en 1892 et 1893, précisément dans les stations des Alpes, par les observations d’Egger et du docteur Mercier à Arosa. Ces auteurs ont constaté, de plus, que l’enrichissement du sang n’était pas un avantage définitivement acquis à l’organisme ; il ne survit pas au séjour qui l’a déterminé. La descente