Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paru à ces nations un danger pour leur autonomie ? Le temps encore ici a changé la face des choses.

L’indépendance dans l’isolement pouvait être l’espoir des Chaldéens, des Syriens, des Arméniens, des Coptes, quand ils ont rompu l’unité. Ils avaient la taille ordinaire de peuples à une époque où le travail des agglomérations n’était pas commencé. Les Chaldéens étaient renommés dans les sciences, établis entre la Perse, l’Arabie et les Indes sur une voie principale du commerce. Les Arméniens étaient supérieurs par la civilisation à leurs voisins les Perses. Les Syriens habitaient une contrée qui attirait les regards du monde par l’éclat de ses écoles, par la grandeur historique et toujours vivante de ses cités, par sa situation maritime. Les Coptes étaient toute l’Egypte, et l’Egypte était une merveille du monde. Aujourd’hui les Chaldéens oubliés déplacent leurs tentes sur des déserts qu’eux seuls parcourent ; les Arméniens sont divisés entre plusieurs maîtres ; les Syriens ont perdu toutes leurs renommées sauf celles de leurs ruines ; les Coptes ne sont plus qu’une infime minorité dans l’Egypte. Tous sont devenus plus petits encore par l’avènement des grandes nations. Sans liens avec personne par la race, sans liens avec personne par la religion, ils sont à la merci des cupidités. Pour les faibles, l’isolement n’est pas une garantie, c’est une menace : l’indépendance est dans la protection. Dans l’unité catholique, ils seraient rattachés par un lien à l’ordre général de ce monde, dans la Papauté, ils trouveraient une assistance morale, dans la France, un appui politique. L’instinct de la conservation, plus encore que le mysticisme, les pousse vers le bercail commun. Et la France, qui par son apostolat les appelle, recueillera leur clientèle.

Autrement difficiles mais autrement fécondes en conséquences seraient les conquêtes du catholicisme sur l’orthodoxie.

L’orthodoxie n’avait pas pour but l’indépendance des nations, mais la suprématie d’un Empire où nombre de nations vivaient sujettes. En Europe, en Asie, en Afrique, la race grecque gouvernait à la fois, par l’Empereur et le patriarche, la politique et la religion. Elle unit sa double puissance pour soustraire à la barbarie de l’Occident la civilisation la plus raffinée et la part la plus riche de l’univers. La servitude fut aussitôt établie du pouvoir religieux envers le pouvoir politique. Mais l’immensité du domaine où s’étendait une immensité d’obéissance, la vision lointaine d’un Empereur et d’un patriarche qu’entourait un