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Mais la confiance de notre jeune poète dut recevoir un coup terrible, quand il apprit que Napoléon, trompant la surveillance de ses gardiens, avait quitté l’île d’Elbe et se dirigeait à marches forcées sur Paris. Le premier chant politique de sa Muse lui avait ouvert les portes du ministère de l’Intérieur : il avait été nommé chef du secrétariat de la direction de la librairie. Le 20 mars, en lui enlevant son emploi, lui fit des loisirs qu’il occupa d’ailleurs, dans sa province natale, à défendre la cause du roi par des écrits divers[1]. Et lorsque l’Empereur eut joué sa dernière carte à Waterloo, Charles Loyson rentra à Paris derrière Louis XVIII, qui, pour prix de sa fidélité, le nomma chef de bureau au ministère de la Justice. Il faut voir avec quelle sainte indignation il s’élevait alors contre les conspirateurs et les mécontens qui troublaient encore la rue :

« Je vous ai instruit de mon bonheur, écrivait-il à son ami Papin, si telle est la fortune de la France que quelque Français puisse se dire heureux dans le malheur public, et l’attente d’un avenir peut-être plus malheureux encore que le présent. Quod Di omen avertant ! On est généralement inquiet dans ce pays-ci. On parle de conspiration, sans qu’il soit possible de deviner ni les moyens ni l’espérance des conspirateurs. Que veulent-ils ? faire sauter le vaisseau public pour entraîner la France dans leur ruine, c’est tout ce qu’ils pourraient se promettre de leur affreuse tentative impuissante désormais pour rien établir ; leur infernale habileté en complots et en conspiration pourrait aller jusqu’à tout détruire. Que pensez-vous qu’il arrivât en France, s’il était prouvé aux étrangers qu’on eût voulu seulement arracher un poil de la moustache d’un de leurs souverains ou de leurs généraux ? Arrêtez-vous sur cette pensée, si vous en avez le courage. J’espère que l’exécution éclatante de Labédoyère que l’on attend de jour en jour abattra l’audace des factieux. Elle est portée à un point extraordinaire. Il n’y a rien au-dessus que les transports d’amour que témoigne l’immense majorité des Parisiens pour le roi. C’est de la fureur de part et d’autre, et sans les patrouilles nombreuses de la garde nationale, toujours sur pied, il y aurait chaque jour des scènes sanglantes sous les fenêtres mêmes des Tuileries. J’y étais hier : le roi et la duchesse d’Angoulême parurent à une fenêtre du château. Figurez-vous tout ce que vous pourrez imaginer d’enthousiasme

  1. Entre autres une brochure sur la Déclaration de la Chambre des Représentans (Angers, 1815).