Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frissonnant. Au centre est la grande pagode toute blanche qu’entourent cinquante pagodons et où mène une longue entrée de bois rouge et or couverte de sept toits tourmentés.

Fort-Stedman renferme 1 500 hommes de troupes indiennes du Punjab. C’est le moment du départ d’un régiment et de l’arrivée de l’autre, et je suis invitée, première femme admise, au mess des officiers pour le dîner d’adieu des deux régimens. Les installations des officiers et des troupes sont toutes en « kéféne, » comme on dit au Tonkin, pour désigner les cases en lattes de bambou, analogues aux bungalows que j’ai déjà décrits. Le grand effort financier, en Birmanie, a été consacré à la création rapide des grandes voies de communication ; mais les installations des fonctionnaires, à l’exception du royal palais du lieutenant-gouverneur à Rangoon, sont, même dans les villes et encore bien plus dans « les bois, » très simples, voire un peu primitives, ce qui n’est pas incompatible avec le genre de confort qui convient à ces pays.

Taunggy, la résidence du superintendent politique des États shans, est en pleine forêt. C’est un commencement de ville, — véritable sanatorium à 1 460 mètres d’altitude, — qui, lors de mon passage, remontait à dix-huit mois à peine et qui paraît destinée à un bel avenir dans les mains de l’homme habile qui la créée. La maison du superintendant commande une vue superbe au-dessus de grands jardins d’essais qui donnent les meilleurs résultats ; une canalisation d’une douzaine de kilomètres a amené les eaux en abondance et je mange, au commencement de janvier, des fraises exquises.


A partir de Taunggy, ma route n’a été parcourue, que je sache, par aucun Français jusqu’à Xieng-Tung. Les troupes anglaises n’en avaient pris possession qu’au mois de mars précédent. Le sentier shan a été égalisé le plus rapidement possible, pour le passage des caravanes militaires, et peu d’officiers et de fonctionnaires ont eu l’occasion de le suivre et le temps de revenir.

Nous devons abandonner à Taunggy le char pour porter les bagages et traiter avec un caravanier chinois qui me fournit sept chevaux de charge et deux lougli, conducteurs de caravanes. Le superintendant des États shans me remet une lettre de recommandation très pressante, écrite en shan et en birman, où il ordonne de me traiter comme lui-même à tous les Myosa, Sawbwa