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et qu’enfin, jusqu’à la veille même de la rupture et de la guerre, les Américains ont voulu démontrer aux Espagnols — ce qui était peut-être vrai, mais ce qui était sûrement la dernière chose qui pût être comprise des Espagnols — que, plutôt que de perdre Cuba, l’Espagne avait tout intérêt à s’en défaire contre espèces sonnantes.

L’Espagne, trop fière, n’entendit rien ; Cuba est maintenant perdue pour elle, et non seulement on ne l’a pas payée, mais elle a payé pour la perdre. L’article 1er du traité de paix, signé à Paris le 10 décembre 1898, stipule en effet : « L’Espagne renonce à tout droit de souveraineté et de propriété sur Cuba. En considération de ce que ladite île, quand elle aura été évacuée par l’Espagne, devra être (va à ser — is to be) occupée par les États-Unis, les États-Unis, tant que durera leur occupation, assumeront et accompliront les obligations que, par le fait de cette occupation, leur impose le droit international pour la protection des vies et des propriétés[1]. » L’article 7 précise : « L’Espagne et les États-Unis d’Amérique renoncent mutuellement à toute réclamation d’indemnité nationale ou privée, de quelque espèce que ce soit, de l’un des deux gouvernemens contre l’autre, ou de leurs sujets ou citoyens contre l’autre gouvernement, qui pourra s’être élevée depuis le commencement de la dernière insurrection à Cuba, et sera antérieure à l’échange de ratifications du présent traité, comme aussi à toute indemnité à raison de dépenses occasionnées par la guerre[2]. » L’article 8 est la conséquence naturelle de l’article 1er. Renonçant à ses droits de souveraineté et de propriété sur Cuba, l’Espagne renonce du même coup « à tous les édifices, môles, casernes, forteresses, établissemens, voies publiques et autres biens immeubles qui constituent légalement le domaine public, et comme tels appartiennent à la couronne d’Espagne. »

En somme, les États-Unis reçoivent en dépôt, de l’Espagne qui y renonce, pour un temps illimité ou sans autres limites que celles qu’il leur plaira à eux-mêmes de fixer à leur occupation, l’île de Cuba nette pour eux de toutes dettes et charges. — La

  1. Tratado de Paz entre España y los Estados Unidos de America, firmado en Paria et 10 de diciembre de 1898 ; — Documentos presentados a las Corles en la legislatura de 1898 por et Ministro de Estudo, Duque de Almodovar del Rio (Livre rouge), n° 134, p. 304.
  2. Le texte anglais, plus bref, dit tout simplement pour frais de guerre : for the cost of the war. Ibid., p. 308, 309.