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environ 400 000 pesos 52 millions de francs). Il suit de là que les 800 bateyes que l’on comptait, en 1895, à Cuba, pouvaient fabriquer chaque année 40 millions de sacs, et représentaient une valeur de 320 millions de duros (un milliard 600 millions de francs). Mais, à côté de ce qu’on nomme les bateyes, il y a ce qu’on nomme les colonias. Quoiqu’elles ne figurent pas d’ordinaire dans les statistiques, on est fondé à dire qu’à elles toutes elles donnent quelque chose comme 20 000 caballerias ou charges de canne, et qu’elles valent, bâtimens, machines, outils et bétail compris, quelque chose comme 60 millions de duros (300 millions de francs) qu’il faut ajouter aux 320 millions de duros représentés par les bateyes, soit, ensemble, un milliard 920 millions de francs. En 1895-1896, le sucre se vendant au prix de 5 duros (25 francs) les 100 kilos, et la production normale étant annuellement d’environ un million de tonnes, le produit de la récolte s’élevait donc en gros à 50 millions de pesos (250 millions de francs), sur lesquels il revenait 30 millions (150 millions de francs) aux propriétaires (hacendados) et 20 (100 millions de francs) aux fermiers (colonos''), pour la matière première. Les uns et les autres, propriétaires et fermiers, payaient là-dessus à chaque ouvrier (manœuvre, bracero) de 80 à 90 pour 100 de la valeur, le bénéfice net restant pour eux-mêmes de 5 à 20 pour 100, suivant leurs position, classe et condition sociales[1].

Telle est, ou plutôt telle serait la production sucrière de Cuba, année normale. Mais trop longtemps Cuba, déchirée par les factions, n’a point connu d’années normales. M. Mestre Amabile observe que, pour 1895-1896, cette production eût dû être de 1 100 000 tonnes, tandis qu’elle n’a été que de 180 000[2]. Et, si l’on veut corroborer ce témoignage par un autre, celui de D. Manuel Carreño y Fernandez est à retenir, parce qu’il est personnel et direct : il forme comme une monographie. En 1895-1896, malgré toutes les difficultés et tous les empêchemens, D. Manuel Carreño

  1. Voyez D. José Menendez Caravia, la Guerra en Cuba, Madrid, 1896 ; G. Pérez. Cette brochure est faite en grande partie d’après des renseignemens fournis par D. Manuel Carreño y Fernandez, conseiller de l’Ayuntamiento de Colon, et propriétaire des trois usines Esperanza, Porfuerza et la Paz.
  2. M. Mestre Amabile, qui évalue la tonne de sucre à « 50 francs, » a dû oublier un instant que les statistiques cubaines sont établies en pesos. Ses chiffres rectifiés concorderaient alors avec ceux de D. Manuel Carreño, qui doit être bien informé, étant du métier : 5 pesos les 100 kilos et 50 pesos ou 250 francs la tonne. — On verra plus loin que M. Porter (Industrial Cuba, p. 294) donne, pour la campagne manquée de 1890-1890, le chiffre un peu plus fort de 225 000 tonnes.