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et de là vient, sans doute, l’incroyable indigence de leurs résultats littéraires. Depuis les plus graves revues jusqu’aux petits journaux, en vain on chercherait une seule étude sur Goethe qui valût la peine d’être signalée.

Un critique qui passe pour être, en Allemagne, le plus habile à parler de Goethe, M. Hermann Grimm, s’est borné, cette fois, à nous apprendre que Goethe avait toujours vécu « en plein air, » et qu’ainsi il avait été, avec Luther et Bismarck, le prototype du parfait Allemand. Un autre a découvert que Méphistophélès était « le symbole de la vulgarité, » et a consacré quarante pages à nous le prouver. Un troisième a essayé d’établir que le génie de Goethe était un phénomène de dégénérescence, ce qu’un quatrième a cru devoir nier, mais en ajoutant que la santé de Gœthe n’était qu’un accident, et n’avait aucun rapport avec son génie. Des cinquante écrivains interrogés par une revue berlinoise, seul le P. Baumgartner a pris au sérieux les questions posées : les autres, après avoir loué Gœthe de les avoir affranchis des « superstitions, » n’ont pensé qu’à se louer eux-mêmes à propos de lui. Il y a eu aussi des études sur Gœthe et les Femmes, — Gœthe et le Socialisme, — Gœthe et la Musique : mais aucune ne contenait ni une idée, ni un fait nouveau. Et si un étranger avait voulu, à l’occasion de ces fêtes, se rendre compte de la place que tenait Gœthe dans la littérature allemande contemporaine et de l’influence qu’il y exerçait, il n’aurait certainement trouvé ni un livre, ni un article, ni un discours qui pût le renseigner. Tout au plus ces « fêtes de Gœthe » lui auraient-elles permis de constater que l’anticléricalisme est aujourd’hui, en Allemagne, une maladie très répandue parmi les écrivains ; et peut-être, aussi, que la critique littéraire allemande a beaucoup changé, depuis le temps où Gœthe en faisait l’admirable usage que l’on sait.

Mais si, au point de vue critique, le résultat de ces fêtes a été médiocre, on leur doit en revanche la publication d’un certain nombre de documens biographiques ou anecdotiques qui ne laissent pas de contribuer à mettre en lumière la puissante personnalité du poète allemand. Ou plutôt, même à ce point de vue, je ne crois pas qu’elles aient mis au jour un seul document tout à fait nouveau ; mais elles en ont rappelé un certain nombre qui risquaient d’être oubliés, ou qui, lors de leur première publication, n’avaient pas été aussi remarqués qu’ils le méritaient. Je vais essayer d’en signaler quelques-uns, sauf à y revenir une autre fois pour en tirer, plus à loisir, ce qu’ils peuvent contenir de renseignemens généraux sur le caractère de Gœthe et sur son génie.