Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au siège de Pampelune, la lecture de livres de piété pendant sa convalescence donne l’essor à son imagination, détermine sa vocation religieuse. Le voilà qui renonce aux biens et honneurs de ce monde pour se vouer à une vie d’ascétisme et de pauvreté, mais aussi de prosélytisme et de propagande. Aujourd’hui à Jérusalem, demain à Barcelone et à Alcala, plus tard à Paris, au collège de Sainte-Barbe, il découvre que le meilleur moyen de prêcher partout l’Évangile, d’instruire la jeunesse, de convertir hérétiques et infidèles, c’est de fonder une immense chevalerie pratique, sous forme d’une association vaste comme le monde. Son ami François Xavier, « l’apôtre des Indes, » qui était né au château de Xavier près Pampelune, était venu aussi achever ses études au collège Sainte-Barbe et avait enseigné la philosophie au collège de Beauvais. Après s’être associé aux vœux prononcés par ses autres compagnons au monastère de Montmartre, ce berceau de la célèbre compagnie, Xavier se rend en Italie, passe en Portugal, s’embarque pour les Grandes Indes, baptise, dit-on, plus de 25000 barbares, part pour le Japon, meurt au moment où il va pénétrer en Chine. Ce sont les grandes aventures religieuses, qui font le pendant des grandes conquêtes. Noble inquiétude qui entraîne au bout du monde, prévoyante sagesse qui ne perd jamais de vue ni la fin, ni les moyens que la fin justifie.

Quand elle n’est pas ainsi envahissante et conquérante, la foi espagnole n’aboutit trop souvent qu’à la pratique machinale et formaliste. Ce n’est plus l’esprit qui sauve, c’est la lettre. Calderon nous montre, dans la Dévotion à la Croix, un homme qui a commis tous les crimes, mais qui, ayant conservé depuis son enfance le respect pour le signe de la rédemption, obtient au dénouement la miséricorde divine, — avec la pitié du public. C’est le salut, non plus par les œuvres, non plus même par la foi intérieure, mais par les rites extérieurs. Ainsi, aux mains de l’Espagne comme aux mains de l’Italie, déviait le catholicisme, altéré en son essence. Il serait injuste de le rendre responsable en lui-même des écarts dus à des peuples, trop esclaves des formes extérieures. Car cette extériorité est contraire au véritable esprit du christianisme, à la grande et constante tradition qui enseigne que la valeur des actes vient du dedans ; que, sans la disposition du cœur, l’effet au dehors n’est qu’un mensonge ; qu’une bonne action perd son prix si l’intention n’est pas droite, que l’acte même de piété et « l’approche du sacrement, » avec un cœur indigne et une