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constamment dans le thalweg, passant à huit reprises d’une rive à l’autre. Nous rencontrons plusieurs caravanes allant en sens inverse. Chemin faisant, je note à droite et à gauche et j’inscris sur ma carte plusieurs vallées latérales d’où sortent d’assez gros affluens de notre Terek. Les deux principaux arrivent de la rive droite : ce sont le Tach-Oui et le Sougst, que nous ne traverserons que demain. Sur la rive gauche, une vallée latérale dont l’entrée est peu apparente, mais qui paraît très fréquentée par les indigènes, s’élève rapidement dans la direction de l’Est. Elle n’est pas marquée sur les cartes. Le sentier, très frayé, qui la suit, conduit au col de Kara-Bel, qui est le point de la frontière chinoise le plus rapproché du Ferganah. À vol d’oiseau, la distance entre ce col et la bifurcation de ces deux vallées n’est que de 21 kilomètres, et par-là on peut venir de Kachgarie au Terek-Davan en évitant le poste frontière d’Irkechtam.

Vers cinq heures du soir, nous arrivons au confluent du Terek et d’un petit cours d’eau venant de l’Ouest, le Tach-Oui. Là nous faisons halte et nous cherchons, pour y passer la nuit, un abri au pied de l’éperon rocheux qui domine la jonction des deux torrens. Ce n’est pas encore là, nous expliquent nos guides, que nous devrions camper. L’usage est, pour ceux qui franchissent le Terek-Davan pendant les longs jours d’été, d’aller dans la même journée jusqu’au fond de la vallée du Kok-Sou, rivière assez importante, dans laquelle se jette le Terek. Cette vallée est à un niveau assez bas et elle est assez abritée pour que l’on y puisse camper dans des conditions relativement bonnes. Son altitude, au point où on la traverse, n’est guère que de 10 000 pieds. On y trouve de l’herbe pour les chevaux en été : elle est alors parcourue par des bergers nomades. On nous y a même fait préparer une yourte. Bref, on y trouve, au dire de nos guides, une foule de choses utiles ou commodes pour constituer un bon campement, mais qui font complètement défaut dans l’endroit où nous allons passer la nuit : ici il n’y a rien que des pierres couvertes de verglas. Mais l’approche de l’obscurité, ainsi que la fatigue extrême de nos chevaux, nous oblige à camper plus tôt. Nous avons marché sans cesse depuis le lever du soleil, et fait, dans des conditions pénibles, quarante kilomètres. Il en reste encore seize pour gagner la vallée du Kok-Sou, et il y a de mauvais pas qu’il est de toute impossibilité de franchir de nuit. Nous nous arrêtons au pied d’une grosse roche contre laquelle nous nous adossons pour être autant que possible