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utilisés notamment pour explorer les cours d’eau des cavernes. Avis à mes successeurs.

Le Kok-Sou se jetant dans le Kizil-Sou, dont la vallée est notre objectif, et sur le bord duquel est bâti Irkechtam, il serait naturel de le descendre, tout simplement. Mais la rivière, qui coule vers le Sud, s’engage, paraît-il, dans des gorges inexplorées par les Européens, et qui sont infranchissables. Aussi allons-nous être obligés de couper transversalement deux chaînons très élevés. Nous le ferons par deux cols successifs, qui portent le nom d’Aïkkezek (les Jumeaux), nom qui tient sans doute à ce qu’ils sont voisins, aussi hauts l’un que l’autre, et exigent des efforts égaux pour être franchis. Ces efforts ne sont d’ailleurs pas excessifs. Le premier col se dresse devant nous aussitôt après notre traversée du Kok-Sou. Son escalade ressemble à celle de certaines crêtes des Pyrénées. Nous grimpons en zigzag entre de grands blocs de rochers grisâtres, aigus et pittoresques. La pente est rapide. Mais cette ascension n’est pas difficile et n’exige pas d’aptitudes spéciales. En une heure et demie, nous arrivons au sommet, où nous nous trouvons devant une échancrure naturelle, pratiquée dans une crête rocheuse formée de bancs redressés tout à fait verticalement et partiellement revêtus d’éboulis pierreux. Pendant les 300 derniers mètres seulement nous avons été sur la neige. Sur le versant opposé, nous n’avons qu’à descendre mille mètres d’un long talus de rocailles roulantes. Nous arrivons ainsi au fond d’une vallée étroite où coule un torrent, l’Aïkkezek-Sou. Nous en suivons durant quelque temps le cours, qui, pas plus que celui du Kok-Sou, ne peut, paraît-il, nous mener à destination, bien que ses eaux aillent aussi rejoindre la vallée d’Irkechtam. Après avoir cheminé pendant huit kilomètres dans cette vallée, nous voyons tout à coup s’ouvrir à notre gauche un étroit vallon latéral, venant de l’Est, encadré de très hautes montagnes, et dont le fond est uni et praticable. Une petite rivière paisible, le Kohi-Sou, y coule. Nous la remontons. Le soleil commence à baisser et il nous reste encore à franchir un col, le second Aïkkezek, que l’on appelle aussi, pour le distinguer de l’autre, col de Karavan-Koul. Le sentier naturel, formé par le fond de la gorge, est excellent : on le dirait fait de main d’homme. Il s’élève par une pente rapide, mais uniforme. Nous marchons vite, car il est deux heures de l’après-midi, et nous n’avons devant nous que peu d’heures de