Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/666

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prison ; de sorte que, le 10 vendémiaire, le conseil de la commune d’Aubergenville, les citoyens dont on vient de lire les noms, et quelques autres notables, parmi lesquels un citoyen Gravelle dit Grattarola, s’étant réunis en délibération solennelle « au temple de l’Etre suprême, » décrétèrent que deux commissaires, le maire Bertrand et l’agent national Gojard, seraient autorisés à séjourner à Paris, aux frais de la commune, « pour inviter le Comité de sûreté générale à faire droit à leur réclamation touchant la mise en liberté du citoyen Castellane. » Les deux commissaires vinrent en effet à Paris. Ils furent reçus par un membre du Comité, qui, le même soir, fit savoir à Castellane qu’il était « enchanté d’eux. » Mais leur démarche ne paraît pas avoir eu d’autre résultat.

Avec non moins de zèle, et avec tout aussi peu de succès, Castellane, de son côté, multipliait les démarches pour obtenir sa libération. Voici, par exemple, une note écrite par lui le 27 fructidor, « pour être remise au citoyen Goupilleau, membre du Comité de sûreté générale : »

Le citoyen Boniface-Louis-André Castellane a été traduit à la Conciergerie en vertu d’un mandat d’arrêt de l’accusateur public du tribunal révolutionnaire en date du 3 messidor, lequel mandat portait le nom d’un autre ; ce fait avoué par l’huissier porteur de l’ordre, devant le maire et le procureur de la commune d’Aubergenville.

Il a constamment marché dans le sens de la Révolution, ayant été maréchal de camp, à son ancienneté, le 20 mars 1792, même style. Il n’est ni destitué, ni suspendu, ni démissionnaire volontaire, mais il a dans ses mains une démission honorable du Conseil exécutif, pour cause de maladie constatée.

Il n’a pas quitté la France depuis plus de dix ans ; ses père et mère ne sont pas non plus sortis du territoire de la République. Depuis le 20 mai 1792, vieux style, il n’a pas bougé d’Aubergenville, district de Montagne-Bon-Air, département de Seine-et-Oise : il y a été commandant de la garde nationale, ensuite officier municipal. Les habitans de cette commune, tous francs républicains, et dont le civisme n’a jamais été inculpé, demandent unanimement sa liberté.

Ayant précédemment été arrêté, le 2 germinal, comme ex-général (quoi qu’il n’en ait jamais fait les fonctions), il avait été renvoyé dans sa commune, en prairial, par le représentant du peuple Crassous, dont l’arrêté portait ces mots : « après avoir pris les informations les plus exactes sur ce citoyen. »

Il est muni de certificats de résidence, de non-émigration, de civisme : et toutes les autorités constituées du district de Montagne-Bon -Air attesteront son patriotisme.

Il cultive à Aubergenville une modeste métairie. Son fils est âgé de six ans ; sa femme, très malade depuis vingt-sept mois des suites d’un dépôt de lait, est mourante depuis sa détention.

Si quelque calomnie avait pu le noircir, il demande à la connaître et à